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Le gai savoir

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Le gai savoir
Mannonle 09 janvier 2020 à 23:29

Se présenter, c'est une bonne idée. On a l'impression d'arriver quelque part. L'exercice n'est pas simple pour autant. D'abord, parce que l'art de l'auto-portrait comme la pratique du selfie ne m'ont jamais attirée (d'accord avec B. Harcourt et "La société d'exposition"). Ensuite, parce qu'il y a toujours le biais d'observation: est-ce que je serai juste?
Depuis que je m'en souvienne, j'ai eu très peu de liens avec mes congères, qui m'ennuyaient ou que j'ennuyais. J'étais bien mieux avec des personnes âgées, ou des enfants. A de rares moments, j'en ai souffert; le plus souvent, je me retirais avec délices dans ma solitude, pas seulement comme une "intello" mais aussi comme un animal à qui on a appris qu'il fallait se méfier. Des déficiences parentales, vous en devinez.
J'ai eu un compagnon, P., le dernier, plus que "zèbre": un homme malade et patient de plusieurs psychiatres et établissements. Une histoire d'amour insensée, folle, passionnelle, avec une fin tragique que je passe sous silence. Je ne regrette rien, pourtant. Je lui dois des choses essentielles, à commencer par le goût que j'ai aujourd'hui d'être femme, car c'était un grand séducteur aussi.
Avant P., c'étaient de longues années de travail intellectuel intense : linguistique, psychanalyse, histoire de l'art, et un peu édition lexicographique. Deux - trois amis, au plus, que j'admire de m'avoir supportée. Un compagnon de façade, sans amour ni même parfois sans vraie amitié, j'ai honte de ma lâcheté de l'époque. Puis une autre relation, plus authentique mais déjà "zébrée".
Après P., quelques années fébriles sinon anxieuses - j'en sors à peine - accompagnées d'un isolement toujours plus prononcé, mais sans déprime; et une psychanalyse salutaire. Une période de chômage aussi, avec reconversion, tâtonnements, incertitudes, gros efforts et espoirs déçus. Et des projets de recherche en linguistique et en sémiotique menés malgré tout.
Maintenant, j'enseigne sans être enseignante titulaire, je fais de la recherche et je publie sans avoir le statut de chercheuse, je parle français et l'enseigne sans être Française de naissance, je voyage et essaie de découvrir le monde sans savoir conduire, je travaille sur la fiction en n'aimant pas le roman, j'adore la mer sans savoir nager, je pratique la randonnée et le vélo en n'aimant pas le sport, je peux être dans le jury d'un concours sans l'avoir eu, bref je suis toujours, fatalement, cavalière seule, de biais par rapport au système, atypique de profil et de face, sur un strapontin et sans casier, badge et adresse mail aux normes.
Mais maintenant, sans doute parce qu'entourée de mes trois enfants qui sont encore là pendant deux ou trois ans, ma misanthropie ne me fait pas de misères. Juste, parfois, m'effleure l'envie de parler vraiment avec quelqu'un qui comprenne, de partager une belle expérience d'adultes et non plus avec les mômes, de rencontrer une altérité et une liberté autre que la mienne.
La ligne de mire étant pour moi oser explorer les valeurs faibles : me départir de mes certitudes, carapaces, désirs d'emprise, partis pris que j'ignore encore, dus à mon "haut potentiel". Reconnaître, accepter et sonder l'impuissance, la fragilité, la vulnérabilité et le manque. Accepter aussi que le monde n'est pas là pour nous faire plaisir, comme dit Nietzsche, et que c'est là un "gai savoir".
L'été dernier j'ai vécu deux semaines de vrai bonheur à être seule dans un lieu qui me semblait créé pour moi. Personne ne m'a manqué. En même temps, d'y retourner demain accompagnée - bien accompagnée - ne me déplairait pas, bien au contraire. Finalement, ces deux phrases pourraient suffire à me décrire.
Merci de m'accueillir ici, c'est si chouette d'être parmi les siens.
Mannon

Fropople 09 janvier 2020 à 23:49  •   32268

Je réitère mon accueil à cette présentation "officielle", bienvenue @Mannon :)

Merlinle 09 janvier 2020 à 23:50  •   32269

Une phrase de Charles Schulz (Charlie Brown...) que j'adore : "I love mankind. It's people I can't stand". Etre soi, c'est être différent des autres, mais certains d'entre nous sont encore plus différents. Encore bienvenue :)

Juliette...le 10 janvier 2020 à 06:20  •   32277

C'est marrant, sans te connaître, on a pourtant la sensation que cette présentation t'est fidèle 😶 C'est ça le talent?! Une belle plume sur un coeur ouvert...
Bienvenue Mannon!

kiltle 10 janvier 2020 à 07:26  •   32283

Bienvenue

Manidaele 10 janvier 2020 à 09:56  •   32312

@Mannon: Bienvenue parmi les tiens !

Etoilele 10 janvier 2020 à 10:04  •   32313

Bienvenue à toi ici @Mannon

AliceOnTheMoonle 10 janvier 2020 à 18:27  •   32366

@Mannon, à mon tour de te souhaiter la bienvenue ! J'aime ton lapsus calami sur les congères !!
J'aime ta présentation, tout simplement. Le temps me manque ce soir mais je viendrai te revoir tout à l'heure ou demain.
Bienvenue dans ce lieu d'accueil !

katian_le 10 janvier 2020 à 22:27  •   32381

welcome @Mannon

Mannonle 10 janvier 2020 à 23:46  •   32385

@Katian, @Etoile, @ Manidae, @kilt, @Juliette..., @AliceOnTheMoon : Merci encore de votre accueil, c'est bien pour la première fois que je me sens quelque part comme un poisson dans l'eau!
Tu as raison, Alice, je garde les congères, c'est autrement plus mignon que congenères.

Sebunkenle 11 janvier 2020 à 07:36  •   32398

Welcome @Mannon 😉 Je pense que beaucoups d'apipeopléen(e)s doivent c'y retrouver dans ta description. Ce n'est pas tout à fait mon cas. Même si j'arrive un peu à comprendre ton sentiment de décalage. Mais en tout cas tu ne sera plus une incomprise ici.

zebreperdule 16 janvier 2020 à 08:10  •   32979

Bonjour et bienvenue @Mannon

Apollosle 16 janvier 2020 à 12:45  •   32994

Hello @Mannon, et bienvenue dans le repaire des oliganthropes. Ton parcours linguistique m'intrigue, veux-tu en dire plus ?

Berengerele 16 janvier 2020 à 18:30  •   33035

Rhoooooooo ! J'aime beaucoup les "trop" et les "sans" aussi ! Bienvenue ! 😜

Mannonle 16 janvier 2020 à 19:18  •   33050

@ Apollos
Merci! C'est bien vu, "oliganthropes".... J'en suis aussi sûrement.
Je ne sais pas vraiment ce qui t'intrigue...? J'ai fait des études de linguistique dès le début, doctorat (belle expérience mais masochiste), puis qualification maître de conférences (sans poste fixe pour autant, voir mon profil à rayures), puis recherche et enseignement à l'université. Cette dernière est le lieu de désenchantement, sauf de belles rencontres avec les / des étudiants. Faut publier entretemps, livres et articles - ça c'est bien -, et se produire à des colloques, toutes mondanités creuses et inutiles. C'est comme être avocat ou historien, d'abord on va beaucoup à l'école quoi.
Mais tu vois, faire un jeu de rôle, je ne suis pas cap' !

Mannonle 16 janvier 2020 à 19:24  •   33053

@ Berengere
Merci Berengère! J'ai dû aller à la pêche des "trop" et des "sans". Je crois que je vois ce que tu veux dire.
C'est gentil de dire ça.
Belle soirée!
Mannon

Juliette...le 16 janvier 2020 à 19:53  •   33058

N'empêche, être "calé" dans un domaine tel que la linguistique! Ou le droit! Ou l'Histoire!... Si j'avais un seul regret... Heureusement, je ne cultive pas cette tare-là 😉
Et puis d'ailleurs, vous seriez capables de me rétorquer qu'il n'est jamais trop tard 😄

Maverickle 04 février 2020 à 01:38  •   35473

@Mannon, bonsoir,

Il n'est jamais trop tard ... pour enfin lire ta présentation 😄
Qui me laisse penser que tu es une sacrée personnalité (j'ai voulu d'abord écrire, et puis tiens, je l'écris : une sacré nana).

Comme dit @Berengere, tous ces "trop" et surtout ces "sans", et tout ce que tu as fait et fais encore, c'est impressionnant !
Tu crains le biais d'observation et de ne pas être juste, mais je constate que, comme la plupart des personnes qui passent par ici, tu as plutôt la dent dure avec toi-même ("lâcheté", "incertitudes", "misanthropie" ...). Ce qui me fait penser que tu es bien plus sympa et valable que tu ne le dis, c'est là que s'exprime le biais 🙂 .

Sinon, j'ai l'impression de très bien comprendre ta "ligne de mire" :citation :
Reconnaître, accepter et sonder l'impuissance, la fragilité, la vulnérabilité et le manque.
J'ai peur de la comprendre, en fait, et peur de bientôt la partager. J'ai peur d'arriver un jour trop proche à y adhérer, faute de mieux, en renonçant à l'espoir de briser la solitude. J'ai peur de m'y résigner et de m'en satisfaire. J'ai peur ... tout court 😱.

Bon, ben ça y est, je suis encore en vrac 😭 pour au moins 24 heures ...

Faudrait que tu m'expliques comment tu fais pour trouver que ce savoir est "gai".
De mon côté, il me manque une bonne marrade, et depuis longtemps 🙁.

Mannonle 04 février 2020 à 09:33  •   35482

@Maverick
ah non, pas en vrac pour 24h!
Il me semble que même en brisant la solitude dont tu parles, on reste encore seul. Il y a une part irréductible de soi avec quoi on doit se débrouiller seul. Pour ma part, le manque, la vulnérabilité et l'impuissance, je ne les ai jamais autant éprouvés qu'en couple. Pourtant, je crois pouvoir dire que j'ai aimé, et que j'ai été aimée. Je ne crois plus à un monde où chacun doit trouver sa chacune afin de former un puzzle harmonieux. Je crois qu'on peut tenter d'aller au-delà de soi pour reconnaître et accepter l'angoisse de l'autre: compagnon ou mari bien sûr, mais aussi - très important - ami ; mais en définitive, on ne peut l'en débarrasser, et déjà on a à faire avec la sienne propre...
Aussi, la vraie amitié me paraît meilleure réponse à nos solitudes intimes que l'amour; je ne veux en aucun cas être cynique, mais mieux vaut prendre un chien que d'attendre de l'autre qu'il me suive à la trace. Ce n'est pas le même besoin, et il est très important, celui-là; mais la solitude existentielle n'en est pas diminuée. Dans l'amitié (pas celle qui résulte d'un clic sur l'écran!) , il y a de l'amour; il doit y en avoir pour qu'elle mérite ce nom.
Le gai savoir, c'est l'expression - et la réponse philosophique profonde - de Nietzsche, pas la mienne. C'est une façon d'avaler l'adversité, de surmonter l'antithèse si tu veux, de se séparer de la plainte et du malheur par une forme de panache : le monde n'était pas fait pour moi, il n'a pas besoin de moi, et c'est tant mieux, il a bien raison. C'est avec ça, dit N., que je veux avancer désormais, en observant (avec compassion) mes semblables qui se débattent dans l'impuissance à se faire reconnaître à leur "juste valeur". Amer, mais revigorant! Danser au bord du précipice, c'est une autre image que N. utilise : puisqu'on y est, de toute manière, au bord du précipice, mieux vaut danser, et ainsi relever la tête.
Maverick, je suis la seule à savoir combien ton avis flatteur à mon égard est immérité. Mais je prends, je prends, c'est toujours ça! 😉
Prends soin de toi, et fais-nous signe rapidement. On avance chacun comme on peut, souvent de manière erratique, mais le monde suit parfaitement son cours, indifférent à nos gesticulations; la preuve, les jours allongent de nouveau. C'est fantastique.
Mannon

Maverickle 04 février 2020 à 15:54  •   35502

@Mannon,

Clairement, je me suis fait mon stress tout seul hier soir, ça va déjà mieux en fait, même si je continue à me chercher, et que c'est franchement pas clair en ce moment.

Tu écris : "Dans l'amitié [...], il y a de l'amour; il doit y en avoir pour qu'elle mérite ce nom.", ce qui me fait penser à une définition de l'amitié que j'aime beaucoup :

"Un ami, une amie, c'est quelqu'un qui te connaît bien et qui t'aime quand même." 😄

Ce qui appelle une remarque : Il faut d'abord que cette personne me connaisse bien, ce qui implique de passer du temps à créer et entretenir les relations avec elle, et à se fréquenter d'assez près tout de même.

Mes 2 centimes du mardi ...


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