Témoignages

La carriole de la satire

  1. Accueil
  2. Forums
  3. la communauté : Témoignages
  4. La carriole de la satire
La carriole de la satire
Mikaale 24 mars 2023 à 09:06

24 mars 2023, minuit.
Énième escapade nocturne de ma part, je pris mon sac, enfilai ma veste usée, mes baskets et finis en portant ma casquette de base-ball fétiche, et décidai d'aller me dégourdir les jambes en allant marcher quelques dizaines de kilomètres au lointain jusqu'à une certaine limite établie.
Étourdi par mon insouciance si caractéristique, je me trompai de bus qui fit un détour non appréciable et qui m'amena à l'opposé de ma destination initiale choisie (symptôme récurrent et comportemental de l'être que je suis par définition).
Peu enclin à rester planté là tel un pieds de grue, je décidai par conséquent de sortir à la suite de cette confusion à l'arrêt le plus proche du carrefour afin de joindre un autre moyen de locomotion qui m'emmènerait là où je souhaitais atterrir et effectuer ma marche.
Je sors donc du bus, je chemine quelques dizaines de minutes vers un centre ville urbain qui regroupe tout une prairie de commerces, de transports et d'hôtels, marqueur d'un foyer touristique éminemment lucratif et économique, je rejoignai l'arrêt qui fit office de point de convergence vers ce lointain abstrait que je cherchai à atteindre, et après 20 min de longue attente mêlée à de la nervosité envahissante, j'empruntai alors le bus de nuit fraîchement débarqué et accueillant tout une multitude bruyante qui, sans le moindre d'un doute, me forcèrent à ronchonner intérieurement.
Après quelques minutes de voyage dans ce bus bousculé, et mêlé avec promiscuité à des quidams de mauvaises fortunes, vaillamment bataillé afin de sortir de cette marée humaine incorrigible, je sentis un parfum de soulagement en retrouvant cette espace si vitale et consubstantielle à mon existence, ce moment de silence capté par un sentiment un peu irraisonné de devoir accompli, et m'exécuta dans la mise en branle de mon dessein pour lequel je sortis alors de mon cocon confortable, mais les conséquences de cette confortabilité en lien direct avec mes atermoiements personnels et individuels ne tardèrent pas à se dévoiler...

En effet, j'entrepris donc mon besoin de dérouillage des jambes écoutant agréablement des titres de mon répertoire musical, en crapahutant et en marchant cette fois vers le chemin inversé, à pieds (10-11km) vers le point anciennement de départ devenant le point final, puis une vingtaine de minutes plus tard, connaissant le centre ville que je vis à l'horizon, une envie gourmande apparaissait en pensant à une boulangerie ouverte dans le coin que j'avais à certaines occasions côtoyer, la seule restante ouverte jusqu'à minuit passé, peut-être une stratégie de pêcheur, une stratégie d'épicier afin de choper et d'attraper les nigaud(e)s dans mon genre, mais la dureté de l'ignorance et de l'absurdité ont manifestement de beaux jours devant elles, alors je me laissai entraîner dans cette facilité aussi honteuse que piteuse.

Arrivé dans cette boulangerie de façon désintéressée, et étant déjà rentré en contact avec le boulanger subsidiaire qui représente l'assurance d'un moment de répit pour le permanent officiel (en théorie) je vis avec bouleversement que sa vitrine avait été vandalisée par les achats successifs des clients de la journée et peut-être même plus tôt dans la soirée (et oui, les mal habitués ont la vie dure), alors je me suis mis à gamberger, un exploit me connaissant !
Que devais-je faire ? Partir sans avoir pris un seul article alors que je me suis mirifiquement embarqué seul dans cette situation ? Ou prendre un article malgré le manque de choix et assumer mes désirs infantiles ? Dilemme de riche, mieux vaut en rire que pleurer...
Puis alors, incorporation inattendue mais logique n'étant pas le seul erratique de la soirée en recherche d'une bouffe de bienvenue, une femme rentra dans la boutique et sembla connaître le vendeur assigné à résidence dans la nuit et commença ce que j'appelle la petite musique de circonstance, à savoir "bonsoir ? Comment allez-vous ?[...] Pas trop éprouvant avec les manifestations qui s'émaillent partout ? [...] votre service est précieux en ce temps qui court" etc, etc.

Étant long à la détente et toujours en posture de recherche d'une solution à la bêtise dans laquelle je m'étais fourré de part mon ignorance hébétée, voyant que mon hésitation fût scruté à la loupe par Monsieur je-ne-sais-qui et Madame je-ne-sais-quoi, je pris comme décision évasive de céder ma place de prioritaire à l'obtention d'une pâte de farine pétri et chauffée.

Je lus dans le regard de cette femme mondaine à souhait le caractère amusée de cette mise en veille de ma part, également du côté du vendeur, alors elle fit son choix aussi rapidement que Flash aurait terminé de courir un 500m entre Gotham city et Métropolis à mon grand malheur, et dans la précipitation dû à la question fastidieuse du vendeur je cite "avez-vous fais votre choix, monsieur ?" Et le regard narquois de cette jeune dame , je pris alors la décision non réfléchie d'acheter un éclair au café avec l'impression d'avoir de la merde jusqu'au genou (pardonnez-moi l'expression).

Comble du cynisme, suite au choix fait, cette même jeune dame s'égosille tout à coup en hurlant, je cite "ÉTONNANT, Il a fait son choix! Vous êtes sûr de vous ou vous souhaitez avoir plus du temps ? Il ne faudra pas regretter après" suivi d'une connivence goguenarde par le regard et les sourires avec le boulanger qui semblait assez indisposé à rire, mais qui par nécessité sans doute de complaisance commerciale avec sa clientèle s'est prêté au jeu.
Au départ je trouvai cela assez puérile, mais finalement après mûre réflexion, je trouve cela quand même d'une...puérilité sans nom, étant devenu quelque part quelqu'un d'assez mutique avec le temps, et par nature pusillanime, forcément mon silence ou mon incapacité dans la spontanéité sociale est perçue comme une acceptation, qui ne dit mot consens comme nous dirions, je fus un excellent objet prêtant à rire.
Apparemment, en disant peu, je suis rigolo, curieuse réaction chez l'être humain.

Pour finir, je décidai également dans la précipitation avant de me tirer de ce qui faisait désormais office de guêpier à mes yeux de me procurer une boisson, là Madame aux airs pieuses me préconise de prendre du Oasis, en se prêtant comme intermédiaire ou médiatrice désignée comme conseillère de produit, et littéralement en me prenant pour la dernière des buses en m'expliquant ce qu'est par définition du Oasis "Vous savez ce qu'est la boisson Oasis ? Si je puis me permettre, le Tropico n'est pas un bon choix" oui, parce que j'avais pris un Tropico (je sais, l'exemple peut prêter à rire j'imagine, mais dans mon cas, et dans l'instant, sur le moment, j'ai trouvé cela d'un fabuleuse risibilité, mais dans ma grande pleutrerie, qu'est ce que le génie de l'envers a été capable de m'offrir sinon de l'absence ou de la monotonie comportementale ? Même un chien est plus considéré par la roue du destin.
Petit sourire de gêne de ma part qui apparemment peut facilement se diffuser et contaminer autrui puisque Monsieur le vendeur semblait lui-même être gêné par mon immobilisme légendaire en cette nuit pour me dire, je cite "Vous savez, elle est comme ça, toujours virevoltante, énergique, c'est une véritable pile électrique"
Déclaratif auquel elle répond par un regard satisfait, comblé et fière d'elle-même. Charmante coopération de boutiquier, si tenté qu'ils persistent à le croire.

Au-delà des apparences, et comprenant malgré tout, au fond que les intentions contextuelles versifiées içi ne furent pas utiliser à des fins négatives ou contre ma personne dans un objectif de m'infliger, il est impensable aussi pour mon logiciel de comprendre ce mécanisme subtil du langage qui consiste à tailler une bavette et exprimer beaucoup pour rester dans le rien, et s'offrir le chapeau de l'appréciation afin de s'octroyer cette espèce de sentiment d'être sans doute appréciable et donc aimable.
C'est certainement un paramètre que je n'ai pas et je ne saisi pas, même si fût un temps, j'ai cherché cela, mais en fin de compte c'est d'une inutilité et d'une absurdité totale, m'enfin de toute façon, dans l'écosystème sociale de concurrence et d'individualité dans lequel je baigne et nous baignons où ça se bouscule au portillon comme des forcenés, l'heure de la dignité, de la compréhension, de la justice et du respect est caduc, place à l'abattement des moins rebelles, des petits et des moindres.
Nonobstant cela et le statu quo, ainsi que mon admiration pour cette qualité de percussion à fort débit oratoire statuant le leadership et qui m'est totalement insaisissable, je ne finirai que par dire une seule chose, "Memento Mori".

zozottele 24 mars 2023 à 22:59  •   93479

Mémento mori.
👍 @Mikaa

Mikaale 25 mars 2023 à 00:30  •   93482

@zozotte absolument 😇

Mikaale 25 mars 2023 à 08:35  •   93485

@gilde hmm Pas mal, pas mal, pas mal 🥴

Hinenaole 25 mars 2023 à 12:37  •   93495

Salut. 🙂

citation :
Étant long à la détente et toujours en posture de recherche d'une solution à la bêtise dans laquelle je m'étais fourré [...] je pris comme décision évasive de céder ma place de prioritaire
citation :
Comble du cynisme, suite au choix fait, cette même jeune dame s'égosille tout à coup en hurlant, je cite "ÉTONNANT, Il a fait son choix! Vous êtes sûr de vous ou vous souhaitez avoir plus du temps ?

Lol. Un petit biais culturel peut-être?... 🙂

Ailleurs dans le monde, on t'aurais remercié, et peut-être même remercié tes ancètres jusqu'à la dixième génération pour avoir céder ta place ainsi, surtout à une personne que tu ne connaissais même pas une heure plus tôt. La prochaine fois que tu as une envie, ne change pas de boulangerie. Change carrément de crémerie. 😄

citation :
alors elle fit son choix aussi rapidement que Flash aurait terminé de courir un 500m entre Gotham city et Métropolis

Ce à quoi je commenterais simplement: "qui n'a jamais le doute, n'a pas goûté à l'épice de la vie".

Merci pour ton récit, @Mikaa, lu ce matin même à l'instant où j'ai ouvert mon premier oeil, encore la chambre plongée dans le noir.
Tu as été mon instant philosophique.


Namasté!
(ce qui ne veut jamais dire merci, il faut le savoir.
Bien encore que, on lui donne la valeur de bonjour/au revoir aujourd'hui.
)

Mikaale 25 mars 2023 à 20:03  •   93514

@Hinenao
"Qui n'a jamais le doute, n'a pas goûté à l'épice de la vie" très belle formule 🙂
J'en suis presque ému, et ce n'est pas une exagération.
C'est assez particulier, même si je prends cette anecdote tirée en longueur comme une simple occurrence de passage, mais j'étais plutôt friand à la partager 😄
Je te remercie d'avoir pris le temps de lire cette longue tirade, pour le meilleur ou le pire, j'en suis honoré.

Farandolele 29 mars 2023 à 00:22  •   93621

Coucou @Mikaa 🙂

Ton récit m'a fait songer à l'Ere du vide de Lipovetsky ou un fragment de vie que tu nous livres avec la désinvolture de ceux qui n'ont rien à prouver, ni à vendre. Un fragment de vie de la banalité d'une violence ordinaire à laquelle la plupart finissent par s'habituer au point, bien souvent de s'y soumettre.

Nous vivons dans un monde régi par les pseudos urgences et les besoins commandés par l'instantanéité; à croire qu'il n'est plus envisageable de prendre le temps de l'observation, y compris de ses pensées.

Et c'est précisément ce qu'il y a de grisant : entrer dans une boulangerie sans avoir la certitude que l'on franchira sa porte ou sans être porté par le besoin mais par la seule curiosité d'une gourmandise.

Même si tu fus rappelé à l'ordre par les enjeux de conduites individualistes et infantilisantes, avec un vendeur pris entre le marteau et l'enclume confronté à une habituée, incapable de supporter le silence ou le temps suspendu du choix sans devoir sans cesse le combler de riens, je trouve que tu as fait état d'une hauteur de vue, gage de la meilleure répartie que nulle autre n'aurait pu égaler.

Tu as décidé, en effet, d'aller jusqu'au bout de ton action sans ciller et en faisant fi de ce que j'appelle les "conseils non sollicités" dont raffolent celles et ceux qui, songeant bien faire ou agir pour le bien d'autrui, usent de cette formule sur place ou à emporter : "Tu sais, à ta place..."

Prendre le temps de rester à sa place n'est pas la manifestation d'un immobilisme : au contraire, c'est salutaire, pour ne pas dire méritoire !

Et si la foudre ne s'est pas abattue, comme je te l'écrivais, tu a pu en conservé l'éclair, son Bien le plus précieux....

Et au café, en plus, que souhaiter de mieux ! 😋

Mikaale 03 avril 2023 à 09:16  •   93894

Salut @Farandole 🙂
Tu m'excuseras pour le temps de réponse, j'étais comme qui dirait en longue période de recroquevillement sur moi-même, écrasé par les supplices de la fatigue générée par les maux de têtes, le rhume (que je déteste au passage) et une angine combinés, sacré coup de bambou, s'il en est vrai.

Bon et bien, c'est bigrement étonnant, mais la première réaction non verbale que j'ai eu en lisant ce message que tu me livre est un sourire niais, un sourire cocasse, dû au fait que je me laisse aller l'espace d'un instant dans mes souvenirs concernant cette situation un peu fortuite, mais cette fois avec une touche supplémentaire, ta narration, et l'ignorance m'inflige de toute explication plausible, mais je m'amuse à t'imaginer dans ce contexte, sur une table assortie de chaises, posé sur l'une d'entre-elles en train de bouquiner, l'air cynique qui pendant l'action traduit la séquence se produisant en face de lui, n'oubliant pas de réajuster ces lunettes à chaque instant avant une nouvelle emphase haha...oui, je sais, j'ai une imagination qui ferait pâlir de jalousie tous les Chats au coin de la rue, pas loin de là où je réside, mais c'est pas grave, (d'ailleurs il faudrait que j'écrive un témoignage sur ma rencontre avec une chatte du nom de Mistigri qui au départ me pourrissait la vie, puis a commencé à se montrer "tolérante" à mon égard, c'est une chatte de gouttière avec toujours son regard tourné vers ma poire exprimant à chaque fois un air du style "tu me remets ?" 😭 ), mais je m'égare.
En tout cas, je te remercie grandement d'avoir pris le temps et accorder de ton temps la lecture de mes tribulations d'infortune ânonnées en cette nuit du 24 Mars, j'avais à coeur de la partager, alors surtout quand la situation est fraîchement représentée et neuve, selon ma logique, mieux vaut vite se défaire des mots (maux) qui envahissent ma caboche tant que cela fût possible, et écrire c'est sympa, sur clavier ou feuille de papier cela va sans dire, peu importe la plateforme, bon juste pour l'écrit manuel, je traîne un peu du pieds, j'aime ces instants de recueils et apprécier ce sentiment d'être un inconnu au milieu d'un monde qui paraît si loin, mais si proche à la fois.
Tant que nous n'avons pas encore été dépourvus de tout, que nous avons encore nos deux jambes et nos deux bras qui n'ont pas été réquisitionnés ou privatisés, mieux vaut vivre la vie d'un oeil surpris avec les outils à notre disposition, c'est ma conviction.
Merci @Farandole, et oui, l'éclair au café n'étais pas pour me déplaire 🙂, c'étais une maigre consolation qui redonne un peu de gaieté au milieu des faubourgs.


Il te faut t'enregistrer sur le site pour participer aux forums.

Rejoins-nous vite !

Alerter les modérateurs

Peux-tu préciser ci-dessous le motif de ton alerte ?