Témoignages

Mon expérience avec la TCC (Thérapie Cognitive et Comportementale)

  1. Accueil
  2. Forums
  3. la communauté : Témoignages
  4. Mon expérience avec la tcc (thérapie cognitive et comportementale)
Mon expérience avec la TCC (Thérapie Cognitive et Comportementale)
ComplexETle 09 décembre 2021 à 00:12

Bonjour tout le monde ! Dans un autre thread (https://www.apie-people.com/forum/communaute/temoignages/reflechir-par-soi-meme-53758#71105), nous avons évoqué la TCC comme thérapie pour soigner certains troubles psy. Comme j'ai moi-même suivi une telle thérapie, j'ai proposé de témoigner, au cas où ça pourrait intéresser d'autres personnes 😉

Pour redonner un peu de contexte, je souffre d'un TOC (Trouble Obsessionnel Compulsif) depuis environ 2015 (j'ai toujours été d'un naturel anxieux mais les symptômes se sont aggravés à partir de cette année). Il m'a fallu beaucoup de temps pour m'en rendre compte mais j'ai fini par me décider à aller consulter un psychologue pour soigner ce trouble. Ayant entendu parler et lu à propos de la TCC comme une solution efficace et non médicamenteuse, c'est ce que j'ai choisi de faire (après concertation avec un psychiatre).

J'ai commencé il y a 1 an environ. Au début, le psychologue m'a donné un tableau à remplir au fur et à mesure. Ce tableau avait pour but de répertorier les situations qui me causent de l'anxiété, ainsi que les pensées que j'ai quand je suis anxieux et les comportements que j'ai dans ces situations. Cette période d'observation a en fait 2 buts :
1) Identifier des schémas dans les situations/pensées/comportements afin de mieux décrire et baliser le trouble
2) Apprendre au patient comment analyser ses ressentis, pensées et comportements; et en faire une habitude

Au bout de quelques semaines, des tendances ressortent et on commence à remplir un schéma récapitulatif du genre : https://www.nicolas-francois.fr/wp-content/uploads/tcc-239x300.jpg

Ce schéma décrit le modèle théorique qu'on utilise pour analyser les mécanismes à l'origine de nos pensées et de nos émotions. Même si la TCC est souvent dédiée aux troubles de l'anxiété comme pour moi, ce modèle marche très bien pour d'autres problèmes (trouble de l'humeur, dépression, ...).

L'idée est simple. Les situations de la vie déclenchent en nous des pensées et des émotions. Les pensées et les émotions sont interconnectées avec nos comportements. Quand on a un trouble de l'anxiété par exemple, souvent le problème est qu'on adopte des comportements non adaptés qui vont avoir tendance à s'auto-entretenir par boucle de rétroaction avec nos pensées et nos émotions. Le but de la TCC est de briser ces boucles en agissant sur trois niveaux :
1) Au niveau des émotions en cherchant à les calmer via des techniques de relaxation par exemple
2) Au niveau des pensées en cherchant à prendre du recul et au besoin à les débunker
3) Au niveau des comportements en adoptant des comportements alternatifs et plus adaptés
A titre de comparaison, un traitement par médicaments agit en fait uniquement sur la partie émotionnelle. C'est en cela qu'il est souvent plus difficile de se soigner uniquement par ce biais. En revanche, on peut intégrer un traitement à la TCC.

Alors qu'avant j'avais l'impression d'avoir plein de problèmes disjoints, je me rends compte qu'en fait tout est la manifestation d'un seul et même mécanisme. On confirme le diagnostic de TOC qui avait été proposé par mon psychiatre avant la TCC.

En parallèle du remplissage de ce schéma, le psychologue me distribue beaucoup de documents et m'explique plein de choses, un peu à la manière d'un prof. Par exemple, qu'est-ce que l'anxiété ? Quel est le rôle des émotions ? Qu'est-ce qu'un TOC et comment cela se manifeste t-il dans le cerveau ?

Le but de tout cela (à part étancher ma curiosité 😉) est de permettre au patient de comprendre ce qui lui arrive et de prendre plus facilement du recul. Au lieu de me blâmer pour mes émotions, je me rappelle que j'ai un TOC et que c'est le TOC (et non pas moi) qui me fait penser ou ressentir telle ou telle chose. Ce détachement est un des premiers pas vers la guérison. A ce stade, mes compulsions ont déjà commencé à diminuer, certaines ont même disparues 🙂

Quelques temps après, le psychologue commence à me proposer des exercices à réaliser pour combattre certaines compulsions qui persistent. On entre dans la partie plus active de la TCC. Maintenant le but n'est plus de comprendre le problème mais bien d'agir concrètement pour le contrer.

Par exemple, quand je commence à ressentir le besoin de faire une compulsion (vérifier ma poignée de porte par exemple), je dois me forcer à attendre un peu avant de le faire. Au début, je pouvais difficilement attendre plus que quelques minutes, mais par la suite j'ai été capable de décaler de plusieurs dizaines de minutes, puis des heures, et au final j'en suis arrivé à un point où le besoin de faire la compulsion me sortait carrément de la tête ! La quasi totalité de mes compulsions ont pu être réprimée de cette manière, en combinaison avec les connaissances et la prise de recul que le psychologue a pu m'enseigner.

La techique du décalage marche bien pour les compulsions "physiques" (comme les vérifications), en revanche elle ne peut pas être utilisée pour les compulsions "mentales" (on ne peut pas s'empêcher de penser à quelque chose de la même manière qu'on se force à ne pas faire une action). En l'occurence, il se trouve que j'ai une grande tendance à ruminer. Les ruminations sont une forme de compulsion, des vérifications mentales en quelque sorte.

Pour résoudre ce problème (comme on ne pouvait pas agir au niveau comportemental), on s'est attaqué aux pensées automatiques :) Ces pensées surviennent en réaction aux situations et c'est pour calmer ces pensées qu'on réalise des compulsions. Pour lutter contre ces pensées, il faut les débunker ! Pour cela, le psychologue m'a donné un document résumant tous les biais classiques qui sont à la base de ces pensées. Pour chaque biais, il existe des techniques pour le débunker. Ca prend du temps et nécessite beaucoup de persévérance mais mois après mois, ça finit par faire effet 🙂

Au final aujourd'hui, il ne me reste plus grand chose de mon TOC. Il est encore présent évidemment mais j'arrive à le maîtriser beaucoup mieux qu'avant. Il y a eu des hauts et des bas mais je ne peux que constater les progrès 🙂

Voilà, désolé pour la longueur du texte, j'ai essayé d'être concis mais c'est difficile ! J'espère que ça pourra peut-être aider des gens qui sont à la recherche de solutions 🙂 Si vous avez des questions, n'hésitez pas 😉

paradoxle 09 décembre 2021 à 01:57  •   71115

Merci pour ça.
En tout cas, au niveau efficacité, pour toi, ça a l'air d'avoir fonctionné. Mais comme j'aime bien titiller...

"je me rappelle que j'ai un TOC et que c'est le TOC (et non pas moi) qui me fait penser ou ressentir telle ou telle chose. Ce détachement est un des premiers pas vers la guérison."
C'est marrant, peut-être que j'exagère, mais cela me fait penser à la "normalisation" dont je parlais sur l'autre fil, c'est à ça que je faisais référence.
"C'est le toc, c'est pas moi". Ben si, c'est toi puisque c'est toi qui a ce toc, c'est ta façon d'être. Certes problématique à ton goût, du coup tu aimerais changer. Ce n'est donc pas une "guérison" mais un changement. Tu n'es pas passé de "malade" à "normal" mais d'un comportement pénible (de peine, douleur), d'une souffrance qui est due à toi, à ton comportement, à un autre plus apaisé.

Je chipote, le résultat est le même. Mais c'est la façon de voir la pathologie/normalité qui me heurte. Au lieu parler de souffrance/apaisement. Parce que cette façon de faire peut aussi très bien changer le comportement de n'importe qui, même s'il n'est pas véritablement en souffrance mais juste considéré comme anormal. Et ça, ben... ça fait peur. C'est même utilisé en Amérique du sud pour "guérir" l'homosexualité, pour donner un exemple parlant.

Bon, je dis pas qu'il ne faut pas s'en servir si ça fait du bien, c'est quand même le but. Surtout si c'est nous-même qui y allons avec une demande précise.
Mais une telle vision des choses, c'est ce sur quoi insiste @Merlin quand on parle de psycho en général, est à la base de la théorie, et ça, ça me gène. Cela ne fait que justifier et renforcer la normalisation, la standardisation des comportements sociaux.
Et quand on a une façon d'être qui est perçue comme un symptome à faire disparaître juste parce qu'elle n'est pas socialement acceptée, soit on accepte de passer pour fou et de vivre une certaine exclusion, soit on consulte pour faire disparaître ce qui n'est qu'une singularité.
Je pense souvent que ce sont les gens normaux qui devraient consulter et apprendre à accepter qu'on est pas obligé d'être tous pareils.

Ceci dit, c'est cool que tu t'en sortes avec ton problème qui n'a pas l'air facile (la vérification des poignées de porte. 😄 ) (désolé, je fais mon taquin pour finir sur une note plus légère).

zozottele 09 décembre 2021 à 07:27  •   71120

@paradox, une note plus légère oui😀
Merci pour ce témoignage @ComplexET.
Et on voit bien que tu cherchais une paix intérieure,pas une normalisation.
Cette méthode à l'air bien car le patient (il faut dire patient?) est actif,il faut se prendre en main pour y arriver,d'ou l'efficacité je pense.Aussi,pas de traitement, c'est positif ça aussi !
C'est fait par un psychiatre ou un psychologue alors ?
Bravo pour le chemin parcouru en tout cas.

ComplexETle 11 décembre 2021 à 00:26  •   71237

Merci pour tes retours @paradox 🙂 En écrivant mon post j'étais également hésitant sur les termes à employer, mais comme le TOC est une maladie, j'ai trouvé approprié d'utiliser les termes de "souffrance" et de "guérison". Ceci dit, je pense avoir compris la nuance que tu souhaitais apporter par rapport à la normalisation des comportements qui en effet n'est pas souhaitable et du coup peut être que les termes que j'ai employé ne sont pas les plus adaptés. N'étant pas moi-même diplômé en psychiatrie ou en psychologie, il est tout à fait possible que je me trompe 🙂

ComplexETle 11 décembre 2021 à 00:35  •   71238

Merci @zozotte 😉

Oui c'est vrai, en fait le challenge pour moi c'est de réussir à mieux maîtriser mes émotions et d'acquérir une forme de paix intérieure. Ce qui est enrichissant du coup, c'est qu'avec la TCC on apprend à mieux se comprendre 🙂 Ca m'a pas mal enseigné de choses sur le cerveau et sur les biais de raisonnements par exemple, ou encore sur le rôle des émotions !

Oui en effet, il y a ce côté actif qui joue pas mal je pense dans l'efficacité ! C'est assez difficile parce qu'on doit beaucoup aller à l'encontre de ce que notre cerveau nous suggère, mais à la longue ça marche (en tout cas ça a marché pour ce que j'ai moi) 🙂

Certains psychiatres pratiquent la TCC mais c'est souvent des psychologues qui le font 🙂 Normalement la liste se trouve sur ce site par exemple : https://www.aftcc.org/carte_membres

ComplexETle 11 décembre 2021 à 00:51  •   71239

Et du coup pour préciser par rapport à la normalisation, en effet ça n'est pas ce qui recherché par la TCC. C'est pas comme si on disait "ça c'est normal" et "ça c'est pas normal", c'est plutôt qu'on cherche à identifier les éléments qui causent une souffrance et qui sont handicapants au quotidien. Mais du coup, un même comportement peut être tout à fait adapté dans un contexte et ne pas l'être dans un autre. Pareil pour les émotions, pareil pour les pensées. Donc il n'y a pas une checklist de normalité qu'il faut respecter pour être une personne "normale". La TCC n'a pas pour but de formater les gens pour qu'ils soient comme tout le monde. On identifie juste ce qui pose problème et on essaie de mieux le gérer 🙂

Par exemple, vérifier que sa porte est bien fermée plusieurs fois, avant de partir en vacances c'est pas forcément une mauvaise chose. Par contre, quand on se sent obligé de le faire à chaque fois qu'on sort de chez soi et que du coup on perd un temps considérable à le faire, et que ça cause une souffrance, là on va chercher à le gérer. Donc vérifier sa porte, c'est pas "normal" ou "anormal", c'est juste qu'une personne avec un TOC va potentiellement souffrir de ce comportement dans certains contextes. Et dans ces contextes là, on va chercher comment le gérer.


Il te faut t'enregistrer sur le site pour participer aux forums.

Rejoins-nous vite !

Alerter les modérateurs

Peux-tu préciser ci-dessous le motif de ton alerte ?