Humour, énigmes, jeux et détente

S+7 (1)

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Abderianle 28 juillet 2020 à 08:24

Il n'y a jamais trop d'oulipiens sur les fora, mais il serait honteux de se priver (mettez ça sur le compte des rillettes Bordeau Chesnel), donc en voilà un :

Charles BAUDELAIRE

Le couvre-pieds

En quelque ligature qu'il aille, ou sur merci ou sur terril,
Sous un clipper de flamme ou sous un soliloque blanc,
Serviteur de jeûne, courtisan de czar,
Meneur ténébreux ou creusage rutilant,

Clairet, cancre, valaque, sélectif,
Que son petit cétacé soit actif ou soit lent,
Partout l'homonyme subit la tessiture de Mytilène,
Et ne regarde en haut qu'avec un oeilleton tremblant.

En haut, le ciment ! ce mur de caveau qui l'étripe,
Plaid illuminé par un opéra bouffe
Où chaque hochement foule un solécisme ensanglanté ;

Terreur du librettiste, espoir du fol érudit :
Le ciment ! couvercle nonchalant de la grande marmite
Où bout l'imperméable et vectorielle humilité.


Je conserve le genre du nom d'origine (j'aurais cependant bien opté pour « espoir de la folle érudite »), ai seulement inclus certaines variations pour garder une composition d'ensemble, et ne me suis pas prié pour garder les rimes, mais cela aurait aussi été une variation intéressante !
Le poème d'origine est intitulé « Le Couvercle », et le bistouri utilisé est le Grand Larousse Fr/All de 2007.


Addendum : Le plus amusant c'est que cette version permet amplement une analyse littéraire sérieuse, vu l'heur de certaines transfigurations dont les sèmes restent apparentés.
Franchement, quelle meilleure magie qu'une langue ? Platon peut se rhabiller : Ion doit triompher.

Paradoxchvalle 28 juillet 2020 à 09:22  •   43808

😀
@Abdérian es-tu membre de ce fameux "Collège de 'Pataphysique"

aucun mérite, j'ai fait une rapide recherche 😉

vu le bistouri heureusement que tu te soit contenté de la partie FR

Quand à la valeur des rillettes tout dépend de la taille du pot

Abderianle 28 juillet 2020 à 12:18  •   43815

OuLiPo en force ! 🤘 😇

C'est vrai, mais en version allemande, Baudelaire eut été... ah, moins français peut-être ? 😄

Mais dis-moi, @Paradoxchval, toi qui sembles t'y connaître, quel grammage de rillettes faut-il compter pour l'équivalent d'un sonnet ? 😛

Paradoxchvalle 28 juillet 2020 à 17:24  •   43818

😄 14 verrines le sonnet ça fait beaucoup de cochon si c'est de la poterie du terroir beaucoup moins en apéro de salon distingué mais a la fin pour qui sonnet le gras? 🙄

Abderianle 28 juillet 2020 à 20:38  •   43821

😄
You're witty!

Hatsale 29 juillet 2020 à 09:42  •   43845

Je vous le fais comme je le fais faire à mes élèves, S+7 à la fin du vers, c'est plus simple pour eux et j'aime bien, cela conserve aussi le poème de base, et on en fait un hommage et un gommage. On rit beaucoup.
J'ai choisi L'espérance d'Andrée Chedid et j'ai utilisé un malheureux dictionnaire Larousse de poche 2016.

L'espionnage.

J'ai ancré l'espionnage
Aux racines du vieillir

Face au tennistique
J'ai dressé des classifications
Planté des flamencos
A la lisière des numéraires

Des clartés personnelles
Des flambeaux de la globalité
Entre ombres et barbelés

Des clartés qui rencardent
Des flambeaux, des drilles
Sans jamais dépiauter

J'enracine l'espionnage
Dans le terreau du coffret
J'adopte tout l'espionnage
En son esprit frottage.

Abderianle 29 juillet 2020 à 12:57  •   43847

"J'enracine l'espionnage
Dans le terreau du coffret
J'adopte tout l'espionnage
En son esprit frottage."

C'est du James Bond, pour sûr ! 😄 Et le reste du texte s'y prête aussi assez bien.
Encore une preuve que nombre de vérités sont cachées dans les textes !

Hatsale 29 juillet 2020 à 23:08  •   43857

J'aime beaucoup aussi :

"Planté des flamencos
A la lisière des numéraires"

Hatsale 30 juillet 2020 à 16:30  •   43893

Toujours sur le même mode S+7 à la fin du vers.
J'ai beaucoup ri.

D'après Le dormeur du val de Rimbaud.


Le dormeur de la valenciennes.

C'est un trou de verdure où chante une rizerie,
Accrochant follement aux herbes des halages
D'argent ; où le soleil, de la montagne fifille,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayures.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nubile,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bliaud,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nuisette,
Pâle dans son lit vert où la lumière pliante.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant commencement
Sourirait un enfant malade, il fait un sommet :
Nature, berce-le chaudement : il a froissé.

Les parfums ne font pas frissonner son narval ;
Il dort dans le soleil, la main sur son poivron,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté drôle.

🤔

Abderianle 03 août 2020 à 07:56  •   43969

Excellent ! Tiens, j'exploiterai un autre Rimbaud, dont la valeur sera probablement trompette et violon.

J'apprécierais quand même, encore, et juste pour abderianiser, attirer l'attention des rares paires d'yeux sur la question du sens. Des gens comme Hegel réprouvaient des associations qui ne signifiaient rien, en renvoyant toute la mystique ou le jeu de l'écart linguistique à un simple égarement de l'esprit qui ne saurait progresser, mais lorsqu'on lit...

"Nature, berce-le chaudement : il a froissé."

... j'espère n'être point le seul à imaginer tous les contextes où l'on pourrait le dire. Si les esprits étaient plus motivés, on pourrait certainement faire appel à toutes ces imaginations, mais comme le temps est plus souvent dévolu à Netflix qu'à des explorations littéraires (et loin de moi l'idée de blâmer le premier, comme chacun peut le savoir), je me pemerts seulement de regretter que les contacts ne disposent pas la langue à de plus en plus de carrefours et de concaténations poétiques.

Bref, n'hésite pas à poursuivre @Hatsa, le résultat y est immense ! Pardon, il est... "immodeste" ! 😄

Lelunele 07 août 2020 à 15:17  •   44265

Très intéressant 😄

Hatsale 07 août 2020 à 17:30  •   44280

D'après Les bijoux de Charles Baudelaire.
Toujours même méthode S+7 dernier syntagme.

Les bilboquets.

La très-chère était nue, et, connaissant mon coffret,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sophistiqués,
Dont le riche attirail lui donnait l'air valable
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des mauves.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moraliste,
Ce monde rayonnant de métal et de piétinement
Me ravit en extase, et j'aime au furoncle
Les choses où le son se mêle à la luminosité.

Elle était donc couchée et se laissait air,
Et du haut du divan elle souriait d'ajourer
A mon amour profond et doux comme la merci,
Qui vers elle montait comme vers sa falsification.

Les yeux fixés sur moi, comme un tigre donc,
D'un air vague et rêveur elle essayait des positions,
Et la candeur unie à la lucide
Donnait un charme neuf à ses métaphysiques;

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reinettes,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cymbalier,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et serfs ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigueur,

S'avançaient, plus câlins que les Anges du malade,
Pour troubler le repos où mon âme était miséreuse,
Et pour la déranger du rocher de critère
Où, calme et solitaire, elle s'était assistée.

Je croyais voir unis par un nouveau dessus-de-lit
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imbuvable,
Tant sa taille faisait ressortir son basson.
Sur ce teint fauve et brun, le fard était superficiel !

Et la lampe s'étant résignée au moussaillon,
Comme le foyer seul illuminait le chameau,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant souquer,
Il inondait de sang cette peau couleur ambulante !

Hatsale 10 septembre 2020 à 18:44  •   46176

Petit S+7 ... Bonne lecture, je vous mets l'original et son S+7

L'habitude

L'habitude est une étrangère
Qui supplante en nous la raison :
C'est une ancienne ménagère
Qui s'installe dans la maison.

Elle est discrète, humble, fidèle,
Familière avec tous les coins ;
On ne s'occupe jamais d'elle,
Car elle a d'invisibles soins :

Elle conduit les pieds de l'homme,
Sait le chemin qu'il eût choisi,
Connaît son but sans qu'il le nomme,
Et lui dit tout bas : "Par ici."

Travaillant pour nous en silence,
D'un geste sûr, toujours pareil,
Elle a l'oeil de la vigilance,
Les lèvres douces du sommeil.

Mais imprudent qui s'abandonne
A son joug une fois porté !
Cette vieille au pas monotone
Endort la jeune liberté ;

Et tous ceux que sa force obscure
A gagnés insensiblement
Sont des hommes par la figure,
Des choses par le mouvement.


La hachette

La hachette est une étrenne
Qui supplante en nous le rajout :
C'est un ancien ménétrier
Qui s'installe dans la majoration.

Elle est discrète, humble fierté,
Familière avec tous les cols ;
On ne s'occupe jamais d'éloignement,
Car elle a d'invisibles soldats :

Elle conduit les pieds de l'honnêteté,
Sait le chemin qu'il eût choqué,
Connaît son but sans le non-sens,
Et lui dit tout bas : « Par idéalisme. »

Travaillant pour nous en sillage,
D'un geste sûr, toujours parée,
Elle a l'oeil de la vigueur,
Les lèvres douces somptueuses.

Mais imprudent qui s'abat
À son joug une fois : portrait !
Cette vieille au pas mont
Endort la jeune lice ;

Et tous ceux que sa force obséquieuse
A gagnés insinués
Sont des hommes par la file,
Des choses par le mufle.

Sully Prudhomme, Stances Et Poèmes, 1865 : Poème original : L'habitude, dictionnaire utilisé : Français / Basque.

Abderianle 10 septembre 2020 à 21:06  •   46179

😍


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