Histoire et sciences humaines

Expo sur le punk à Rennes par le MasterMagemi, unif Rennes 2.

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Expo sur le punk à Rennes par le MasterMagemi, unif Rennes 2.
paradoxle 24 novembre 2022 à 14:21

J'avais juste envie de partager ça.

J'ai été contacté par un vieux pote (lui aussi hyper-curieux, hyper-actif, hyper-sensible, etc) qui a été approché par des étudiants de Rennes 2 car ils préparent une expo pour avril prochain sur l'histoire du punk à Rennes. Il les a évidemment orientés vers l'anarcho-punk DIY et les squats militants. (les punks à chien, c'est pas trop notre truc).
Et vu que j'étais l'un des fers de lance ( le fer de lance ?) de ce mouvement de 88 à 92 à Rennes, je suis sollicité pour une interview, écrire un texte et pour rechercher des archives.

Voilou, ça me fait bien plaiz !

Merlinle 24 novembre 2022 à 14:27  •   88846

Félicitations @paradox :)

Maele 24 novembre 2022 à 15:06  •   88847

😉 7

MaisEncorele 25 novembre 2022 à 04:10  •   88861

C'est super @paradox ! Tu entres dans l'Histoire !!! 👍
À moins que nous en fassions tous partie... en fait... 😋 😉

Juliette.le 25 novembre 2022 à 07:11  •   88862

C'est super! Bonnes recherche et rédaction alors!

Ambre31le 25 novembre 2022 à 10:40  •   88864

Chouette perspective @paradox
Je connais cette fac parce qu'ils ont accueilli une conference du réseau international de l'économie sociale et solidaire il y a quelques années. C'est un bon endroit pour parler d'alternative. Belle tribune pour toi !

paradoxle 01 décembre 2022 à 03:50  •   88990

Je continue de me permettre.
Mon pote m'a envoyé un brouillon du résumé qu'il a fait sur l'histoire des squats rennais jusqu'à maintenant, pour donner de la matière aux étudiants et voir ce qui vaudrait le coup de creuser.
J'ai corrigé (dites-moi éventuellement si vous voyez encore des fautes), mis mon grain de sel dans la rédaction, rajouté des détails à la période où j'étais là-bas.
C'est quand même vachement orienté luttes sociales. Je trouve que ça manque un peu de construction, de pratiques, d'invention du relationnel, tout ça. Mais comme vous le constaterez, c'est chargé, c'est juste un vague résumé et ça fait 11 pages. C'est pour les courageux et les curieux d'histoire populaire.
(oh mince, le copier/coller n'a pas pris en compte les italiques, le gras et les sous-lignages, pfff. Je viens s'y passer des heures, je vais pas recommencer ici, désolé. Ça amenait un peu de clareté mais faut quand même que j'aille dormir. Allez, le titre quand même)



Permanence de l'éphémère : les squats à rennes.

[Ce texte ne prétend pas être exhaustif, il ne peut pas citer tous les squats qui ont pu exister à Rennes, tant ils sont nombreux et éclectiques. Il s'agit ici d'une approche chronologique, parfois contextualisée avec les luttes sociales. J'aurais pu tenter de thématiser les choses en fonction du type d'endroit (artistes / punks / autonomes/ queer/ etc. ). Cependant, cela m'apparaissait un peu délicat parce que les lieux sont toujours un peu hybrides ! Concernant l'histoire des squats de sans-papiers/personnes exilées, cela nécessiterait une analyse propre aux dynamiques de ces personnes et de leur soutien. Je tiens aussi à préciser qu'il se peut aussi qu'il y ait quelques imprécisions ou éventuelles erreurs, mais il s'agit d'un texte écrit à partir de mes souvenirs et quelques autres informations dont on m'a fait part]


Comment évoquer la question squat à Rennes sur les 30 dernières années, tant les personnes impliquées, les pratiques, les revendications et les formes d'organisations et d'occupations sont diverses ? Et peut-on parler des différentes aventures squat sans évoquer les luttes sociales qui s'y juxtaposent ?

Il est évident que les ouvertures sont légions à Rennes depuis le début des années 2000, mais cela a commencé bien plus tôt. Des histoires racontent qu'il y avait plusieurs logements occupés illégalement dans les années 70/80, à différents endroits de la ville mais aussi dans la rue de la Soif (rue St Michel), où sont concentrés beaucoup de bars, en plein centre de la ville. Par ailleurs, les prairies du canal St-Martin et ses jardins ouvriers, aujourd'hui transformées en terrain de promenade, ont été le lieu d'innombrables squats. Et si l'on remonte encore plus loin, au début du 20° siècle, ces dernières étaient aussi un lieu de prédilection et de réunion pour le mouvement ouvrier et anarchiste de l'époque.

Habiter, se loger, s'opposer à la logique de gentrification, à la destruction de quartiers populaires, à la spéculation immobilière, refuser la vie chère : piratage du gaz, de l'élec, de l'eau, grève des charges. Mais aussi des tas de moments de galère, de stress, d'embrouilles en tout genre et bien évidemment les expulsions, parfois très musclées et avec des poursuites juridiques ! Les raisons sont nombreuses pour occuper un bâtiment vide : par choix ou nécessité, du squat d'habitation au squat d'activité artistique, pratique ou politique, dans de nombreuses et diverses formes de revendications, avec une pluralité de personnes investies, affichant une radicalité politique ou non.

On ne peut pas dire qu'il y avait une grande tradition des squats à Rennes dans les années 90 comme il y avait à Paris, Lille, Marseille, Grenoble ou Lyon mais cela a fortement changé au cours des années 2000, souvent lié à des luttes sociales : Sans papiers, mouvement de chômeurs et précaires en lutte, mouvement étudiants, féministes, punks issus de la zone, anarcho-punks, etc.



Dans les années 80, même s'il existait des squats à Rennes, comme le squat Rue du Papier Timbré (derrière la salle l'Espace) vers 1986/1987, une certaine aventure débute à la fin de cette décennie, avec la création du MOMI (Mouvement d'Occupation des Maisons Inhabitées). Créé entre autres par des membres de La Commune de la Fédération Anarchiste, l'idée de départ était d'aider des ami-es en difficulté financière. Pour s'orienter par la suite vers un militantisme squat-et-politique. Revendiquant un droit au logement pour toutes et tous, ce collectif ouvre un premier squat au canal St Martin, qui ne durera que quelques semaines, suivi d'un autre Rue Legraverend et enfin d'un dernier Rue de Kéralio, squat d'habitation de petites maisons autour d'un cour. Où se greffera un bar autogéré nommé Autre Direction, lieu de rencontre et de concert (Citizen Fish, ... ) ouvert en novembre 1989 par des membres du groupe Nagasaki by Night et du fanzine J'accuse. Cet endroit mélangeait un public de militants anarchistes, autonomes (en lien avec Automatik : la pensée à 6 coups) et anarcho-punks. Une dernière grande maison attenante sera occupée par les membres du groupe Parkaj Mental après leur expulsion d'un magasin-atelier Boulevard de la Tour d'Auvergne ouvert à Rennes après leur départ d'Angers, avec une entente parfois très compliquée avec les « anciens ». Le tout durera jusqu'à juin 1990.

En septembre de la même année, l'équipe de l'Autre Direction ouvre Rue des Trente, ancien atelier et bureaux où il est installé un bar autogéré sans alcool. Comme quoi, l'idée n'est pas nouvelle ! Cours de breton, de flûte traversière, salle de répèt', de concerts, atelier bricolage, habitation.

Début des années 90, certains fanzines punks existaient comme Snack attack, L'épingle noire, J'accuse, International straight Edge, puis la feuille d'info Izvestia, les labels Sanjam, YB records, El trasgo, etc...relayant une information punk, anarchiste, esthétique et militante ! Ainsi que des émissions de radio punks et dérivés (Alternativ' noise, Radio activ, New Day Rising).

L'Apam (association pour une alternative musicale, liée à J'accuse et Nagasaki by Night) organisera trois concerts : Anti-Machisme et Parkaj Mental ; Verdun ; Beurks Band et Bérurier Noir.

A cette période, divers squats d'habitations ont existé avant d'ouvrir des squats à l'extérieur de la ville.

En 1993 et 1994, la ville vivait également beaucoup d'agitations politiques avec des groupes politiques comme le SCALP (Section Carrément Anti Le Pen), La FA (Fédération Anarchiste) et la CNT (Confédération Nationale du Travail), luttant par exemple contre les Lois Pasqua de 1993 (durcissement des conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France par rapport à la loi de 1986), suivi des luttes sociales étudiantes Anti-CIP en mars/avril 1994 (mouvement étudiant en grève contre le CIP, contrat d'insertion professionnel). Ce mouvement a permis à un grand nombre de personne de découvrir la logique du prix libre, issue des mouvements alternos, lorsque les salles du bâtiment F de la fac étaient occupées !

En février et mars 1995, ce sont des Manifestations et Grèves contre le Rapport Laurent et la Circulaire Bardet (projet de remplacer les bourses par des prêts bancaires) qui feront reculer le gouvernement face à la mobilisation. S'en suit la Grève générale pour plus de moyens puis contre le plan Juppé avec une agitation politique s'étalant d'octobre 1995 à janvier 1996.

Durant l'été 1995, face à une pénurie de lieux d'activité, un nouveau squat voit le jour, le Ty Squat (maison squattée en breton), non loin du pont Malakoff, au niveau des quai d'Auchel, avant que ça ne devienne des résidences. Ouvert par des anarcho-punks et autres électrons libres (dont certain-e-s étudiant-e-s) et des gens investis dans le CROCOS (collectif de résistance organisé contre l'oppression sexiste, spéciste, sécuritaire, salariale, etc). Ce lieu proposait différentes activités comme des concerts, des bouffes végétariennes, différents ateliers, cours, récup' de bouffe et distribution, généralisant la pratique du prix libre. Y ont joué des groupes tels que Tromatism, Coche bomba, OÏ Polloï, Kochise, Mass Murderers, Innocent Blood, Post-Regiment, Anomie, etc ! le Ty-Squat avait son propre fanzine, le Ty Zine.
Mais au tournant de l'année 1996, la population du lieu a été peu à peu remplacée par la zone punk, beaucoup moins portée sur les questions politiques mais bien pris par des problèmes de drogue et autres : une personne y décède, une partie du squat subit un incendie, l'expulsion se fait durant l'été 1996. Par ailleurs, certains punks y ayant vécu ont ouvert le squat Le Wagon à Saint-Brieuc.

Parallèlement, en 1996, un nouveau lieu apparaît à Rennes : L'Élaboratoire (plaine de Beaud). D'abord squatté (bâtiment Léon Bertin) puis finalement légalisé en 1997, il va devenir un haut lieu de culture alternative. Certes, cet endroit a été plus ou moins octroyé par la mairie pour laisser des collectifs artistiques s'y développer. Quelques hangars adjacents ont été partiellement occupés durant de courtes durées. Ce collectif existe toujours mais est maintenant localisé au 48, boulevard Villebois-Mareuil .

L'année suivante, en 1997, le Mouvement des chômeurs et précaires en lutte (MCPL) s'est constitué, multipliant les actions d'occupations des agences d'interim, de l'ANPE (Agence Nationale Pour l'Emploi, aujourd'hui renommé Pole Emploi) et autres structures de contrôle social. Au bout de deux, trois ans d'activité, l'idée d'ouverture de lieux autogérés s'est à nouveau posée avec une tentative d'ouverture de l'ancienne Mission Locale, rue de la Parcheminerie, en 1999. Deux jours et deux nuits avant d'être expulsé avec la toute la cavalerie !

En novembre/décembre 1998, une dizaine d'universités se mettent en grève contre le Plan U3M et la Réforme Allègre de l'enseignement supérieur. Cela a généré une nouvelle génération de « militant-es », dont certain-es se sont retrouvées à suivre le mouvement squat quelques temps plus tard.

Au printemps 1999, ouverture du Centre autogéré, aussi appelé Centre social autogéré, qui a duré quelques mois avant d'être expulsé en 1999 puis ré-ouvert plus tard pour devenir L'espace vert entre 2000 et 2001. Il y aura eu des concerts (Aside, etc), des débats/vidéos, des discussions, des bouffes véganes, des booms, etc... L'espace était petit mais proche du centre-ville, ce qui était pratique. Ce lieu aussi avait son propre bulletin, le Zine du Centre Autogéré.

En 2000, des anciens du Centre Autogéré et des membres du Mouvement des Chômeurs et Précaires ont ouvert le squat du 5 rue de Juillet. Ce lieu appartenait au Diocèse de Rennes, ce qui a suscité bien des remous, assez divins. Il a vécu deux occupations qui ont duré neuf mois puis six mois environ suivies évidemment de deux expulsions. C'est une équipe du GIGN qui a expulsé, en bouclant totalement tout le quartier.

C'était dans un contexte politique de répression du mouvement Breton suite à l'attentat contre un McDonald à Quévert (Côtes d'Armor) qui avait tué une personne. Des fausses rumeurs disaient que le squat abritait des indépendantistes brittophones.

Entre Octobre 2000 et Mars 2008 : la Villa mon Broumf (plaine de baud) est ouverte, devenant de fait une annexe au squat artistique légalisé l'Élabo. Un peu différent mais proche tout de même, plus libre, la Villa, immense hangar et un grand terrain, va bien marquer les esprits. Un nombre incalculable de soirées et autres activités (mécanique, théâtre, rave party, etc) s'y sont déroulées. Malheureusement, cet espace a brûlé en mars 2008 faisant un mort. Par la suite, une partie des personnes qui y vivaient en camion ou caravanes a été relogée au 48, devenu également une annexe de l'Élabo.

Il ne faut cependant pas oublier qu'auparavant, la mairie a expulsé des camarades du lieu appelé Le Garage, ouvert durant ce mois de mars. Cette expulsion pour y reloger d'autres personnes a suscité diverses embrouilles dans le milieu squat local. Diviser pour mieux régner, tout ça, tout ça. Le Garage a duré moins d'un mois. Il y a été organisé une rave et une soirée punk (Skuds and Panic People, Michel Platinium, Dead City walkers, Trouz an Noz).

Par ailleurs, un terrain en face l'Élabo est aussi occupé, Le terrain des Chap', qui servait à la base pour poser les chapiteaux lors des événements. S'y côtoyaient caravanes et camions mais il a été peu à peu évincé ces dernières années.

En 2001, La Marmite (rue Legraverend) fut ouvert autour du festival des luttes et des résistances, co-organisé par des individus et collectif d'extrême-gauche (anars, communistes, écolos, féministes, etc...). Le lieu n'a pas duré plus de deux mois mais a permis de faire des réunions, des rencontres, des soirées de soutien.

De juin 2001 à février 2005, des anciens locaux de la DDE sont occupés et porteront le nom de l'Ékluzerie, entre la rue Alphonse Guérin et l'avenue Sergent Maginot. Personne ne se doutait que l'aventure durerai presque quatre ans. Ce lieu a bien marqué les mémoires à Rennes et ailleurs. C'était un espace de vie et d'activités politiques, sociales et culturelles autogéré, avec un nombre fluctuant de gens s'y investissant, dont certain-nes y avaient établis leur logement principal. De ce lieu sont nées beaucoup de choses avec des tas d'activités : concerts, débats/vidéos/discussions, rencontres et groupes de réflexion/action, FRAP (festival de résistance aux agressions policières), cours d'informatique, cours de danse, potager, atelier mécanique pour camions, voitures et vélos, théâtre/spectacle, freeperie, infokiosk et autres ateliers artistiques, culinaires, musicaux, échanges de savoirs, etc... !

Rappelons également qu'il y a eu le 11 septembre 2001 qui a donné lieu a beaucoup d'agitation anti-sécuritaire, notamment contre la LSQ (Loi sur la Sécurité Quotidienne) de la gauche et les lois Perben 1 et 2. Cela s'est illustré par la manifestation et le festival Ni carotte, ni bâton, « la garden-party des classes dangereuses », les affichages inventifs puis l'attaque du chantier de la nouvelle taule.

L'Ékluserie a évolué et s'est un peu transformé dans ses finalités au gré des personnes y habitant ou s'y investissant, ce qui a même fait émerger différents courants politiques au sein des milieux anarchistes, féministes et autonomes. Il a été expulsé le 24 février 2005 pour ne laisser qu'un tas de gravats. Les promoteurs immobiliers qui ont construit un immeuble à cet emplacement ont poussé le vice à appeler l'immeuble l'eKluserie (avec le K, comme pour le squat, au lieu d'un C classique). Il serait intéressant que ce lieu fasse l'objet d'une large brochure de retours d'expériences pour démontrer l'énorme impact qu'a suscité ce squat dans la vie et la mémoire de beaucoup de monde.

Parallèlement, en 2002/2003/2004/2005, avec des personnes gravitant autour de l'Ékluserie ou y ayant habités, différents endroits ont été ouverts et expulsés : la Bank Okupée (avenue Aristide Brillant), Caf'Arnaüm (rue de Paris), Le Jardin Occupé (rue de la Motte Brulon), lieu avec plein de serres où il a été organisé entre autres des rencontres, des concerts, des week-ends d'échanges, du potager, des cours de self-défense ! Ensuite, Les Maisons Jaunes (près de la route de Lorient) étaient deux maisons accolées. Il y a eu également le squat Boulevard de Verdun, le squat de Barbès (Rue Armand Barbès) qui a duré un peu dans le temps, sans parler de tous les autres au canal St Martin. Un certain nombre de personnes de ces lieux se côtoyaient et vadrouillaient entre les différents lieux selon les événements proposés.

Sur la rive gauche du canal St Martin, côté allée Armand Rébillon, il y avait en 2004 un squat non mixte féministe tenue par des copines (dont Chloé, RIP). Il s'y est passé des réunions, des expositions de peintures, des mosaïques, des rencontres/discussions, des projections... entre autres. Il est important de noter que cela représentait un endroit safe pour les filles du milieu féministe, queer, ce qui était un fait assez rare. Le lieu a tenu jusqu'à l'intervention des flics.

Notons qu'il y avait en face de ce lieu une autre maison occupée par des potes, proches du squat féministe.

D'autres lieux ont été ouverts à différents endroits à Rennes mais surtout des lieux d'habitations. Il n'y avait pas toujours de coordination entre les différents lieux et bandes. Il existait différentes approches : politique, artistes, punk, autonomes, etc.

C'est aussi à cette période que Le Château est ouvert, rue du Général Leclerc, pas très loin de la Villa et l'Élabo. Il a drainé un nombre important de gens, accompagné de pas mal d'activités et de soirées.

Rappelons au passage qu'en 2002 également, Marine Le Pen est arrivée au second tour des élections. Un peu partout, de nombreuses manifestations et actions antifascistes ont eu lieu pour montrer la désapprobation de ce résultat mais plus largement de ce système politique.

2003 a vu la mobilisation contre le LMD (licence master doctorat) à l'université, s'élargissant bien en dehors du cadre universitaire. S'en est suivi cette année-là, puis la suivante, les jeudis soir à Rennes, qui ont été le théâtre d'affrontements entre les flics et un agglomérat de fêtards, de jeunes étudiants, de gens politisés qui aimaient se réapproprier la rue, notamment la rue de la Soif, exprimant par la même occasion un besoin d'occuper l'espace public et de s'inventer des espaces communs. Pas mal de monde issu des différents squats participaient activement à ces jeudis soir « festifs ». Et toujours durant cette période, on peut également citer le squat Rue Foucqueron, ouverts par des gens de la raïa Ékluzerie ainsi que le Squat de Langon, à 50 km de rennes.

En 2005, un squat rue Claude Bernard, ouvert en mai 2005 puis ravagé par un incendie en octobre 2005.

Cette même année, il y a eu la « crise des banlieues », avec des confrontations importantes entre « jeunes des quartiers » et forces de l'ordre.

Par ailleurs, même s'il y avait de l'agitation politique entre 2001 et 2006, un renouveau du mouvement squat voit le jour avec le Mouvement Anti-CPE au printemps 2006, qui a vu apparaître une nouvelle génération de squateureuses, radicale et déterminée, une nouvelle génération d'autonomes, de féministes, d'écolos radicaux, etc. En effet, le projet de loi dit d'égalité des chances de De Villepin, avec sa mesure phare le CPE (contrat première embauche), va motiver un grand nombre de gens à descendre dans la rue et va ouvrir une période de radicalisation politique, bousculant au passage l'équilibre politique national avec des pratiques plus offensives, des émeutes, des manifestations radicales, des blocages et autres actions diverses partout en France, dans et autour des universités. Les facs étaient comme souvent des foyers d'agitations, organisant aussi des manifs nocturnes et sauvages.

Durant le Mouvement Anti-CPE du printemps 2006, la place du Parlement de Bretagne fût occupée avec des tentes pendant presque un mois. De là sont nées des rencontres improbables entre des personnes d'horizons bien différents. La radicalisation d'un certain nombre d'étudiant-es s'est suivi d'un grand nombre d'ouvertures de lieux, comme de nouveaux squats au canal St Martin, plusieurs maisons proches (68/70/72...) et également en face du bar Le Bon Accueil. Cela s'enchaînera avec l'ouverture de plusieurs lieux rue de l'Alma et d'autres rues adjacentes, comme le Bar Clandestin, La Cantine, les maisons en face de La Cantine, etc... ! Au moins cinq ou six squats étaient très proches.

Après différentes expulsions, d'autres ouvertures s'enchaînent près du mail François Mitterrand comme Le 7, Chez martin, ... et Rue Lainée qui était plus un lieu festif malgré une ambiance plutôt tendue avec certains membres. Il y avait à cette même période un autre squat, Les Serres, il s'agissait de grandes serres accolées à la rocade de Rennes dans le quartier de Saint-Jacques-de-la-­Lande. Ce dernier abritait un bel atelier mécanique.

Il est important d'insister sur l'impact qu'a eu cette période sur un nombre important de personnes. Il s'agissait d'une période de « renouveau militant », avec une idée de transmission d'expériences des luttes précédentes et une réinvention de pratiques. Cela a tout de même suscité de vives tensions dans les milieux militants, notamment dans ceux dits « autonomes » avec l'existence de « discours désincarnés », affichant une certaine posture mais révélant une inadéquation entre des valeurs, des principes, des réflexions affichées et les pratiques, des attitudes vécues parfois comme hautaines et méprisantes. Ce décalage, ainsi que la construction d'une pensée métapolitique, n'ont fait que creuser des écarts déjà palpables dans l'approche de l'investissement politique radical. Ces années-là sont également révélatrices du côté « bande » qui règne à Rennes, à chacun-e sa chapelle, son orientation politique, son mouvement, son collectif. Certaines tensions étaient vives ! Les gens se croisaient souvent mais ne s'entendaient pas toujours pour pouvoir converger. Cela dit, une certaine cordialité existait tout de même et des ponts existaient entre certains lieux et personnes, les affinités étant le meilleur vecteur de réseaux.

En Automne 2007 arrive l'ouverture de la Maison Jaune (en bas de la route de Lorient). C'est dans ce lieu qu'à eu lieu le Festival interminabl'Offensif. Cette période pourrait être vu comme une rencontre entre une frange plus jeune du milieu autonome et une autre du milieu « crust punk », même si nos milieux sont, répétons-le, toujours un peu hybrides. Le collectif On n'est pas là pour enfiler des perles, réunissant des anarcho-punks de différents endroits de la Bretagne existait déjà mais s'est vu redynamisé par ces différentes rencontres. Il y a eu pas mal de concerts dans ce squat, ce qui a permis à tout un tas de gens de différents courants musicaux et politiques de se retrouver pour faire la fête ou organiser des soirées de soutien. De toutes ces rencontres sont nées de nouvelles énergies et de nouveaux réseaux, tout en permettant de faire vivre une scène punk DIY.

Accolé à la Maison Jaune, un autre squat est ouvert dans la foulée, c'est le Kawa (ancien magasin Kawasaki). Après l'expulsion, ouverture du Garage (cité plus haut) qui durera moins d'un mois avant d'être expulsé et d'être octroyé au gens de la Villa et de l'Élabo, suite à l'incendie qui emporta la Villa. De là, il a été tenté d'organiser un mouvement intersquat mais les tensions existantes entre radicaux et artistes (pour schématiser) y ont été cristallisées.

C'est aussi à cette période que Le Puit est occupé à une trentaine de km de Rennes (près de Bovel). Il existe toujours. Il a connu plusieurs équipes et différentes manières de s'organiser, de fonctionner. Ce lieu nécessiterait une brochure à lui tout seul, mais on peut citer certains gros événements qui se sont passés là-bas, comme le «Thierry Paulin Fest » en 2009, les 3ème (2009) et 4 ème (2010) festoch de On n'est pas là pour enfiler des perles ou On n'est pas là pour tricoter des barbelés, ainsi qu'un autre festival organisé par les gens du lieu en septembre 2013, puis le Festival contre les enfermements en 2015, les 10 ans du Puit en 2017, ainsi que plusieurs éditions du Shit Noise et l'Apatride Festibal, ... sans compter toutes les activités mécaniques, pains, jardin, bûcheronnage, chantiers de constructions, travaux, fêtes, etc... et évidemment d'innombrables soirées de concerts de soutiens et des tas de moments de vie intense, positifs et négatifs.

En 2008, après les expulsions des Squats du Mail, certaines personnes de Rue Lainée ont ouvert Le Lavoir (boulevard de Chézy) pas très loin du canal St Martin. Il y a eu aussi quelques soirées organisées là-bas et surtout un toit pour les ami-es y vivant.

C'est aussi cette même année qu'à lieu « L' affaire Tarnac », concernant des sabotages de caténaires. Les auteur-es présumé-es se sont fait arrêter, placer en détention et accuser d'actes terroristes et d'associations de malfaiteurs. Ce fut un emballement spectaculaire et médiatique évoquant une menace « d'ultra-gauche », agitant le spectre de l'ennemi intérieur, permettant au passage de justifier le développement d'un arsenal politique et juridique d'une envergure sans précédent. Au final, 10 ans plus tard, cette histoire est passé d'une affaire de terrorisme à une affaire de droit commun, se soldant par un fiasco judiciaire, montrant que cette histoire était montée de toutes pièces. L'impact et le soutien a été assez large dans le milieu militant et squat, plus particulièrement pour les milieux appelés « anarcho-autonomes » par les journalistes (rappelons qu'aucun courant ne se revendique comme tel). Cela a malheureusement entraîné une surveillance accrue suivi d'une criminalisation massive des milieux militants et syndicalistes en général.

Pour resituer le contexte, de 2006 à 2010, il y a eu d'importants mouvements universitaires en France allant du CPE (2006), en passant par la LRU 1 et 2 (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou Loi Pécresse), puis le Mouvement contre la réforme des retraites fin 2010. Ces années de mouvements universitaires et sociaux ont un fort lien avec les squats ouverts sur Rennes durant cette période. Une passerelle pour beaucoup de personnes qui ont parfois laissé tomber les études ou s'en sont éloignées pour s'investir politiquement, et/ou dans leur squat ! Ces années ont vu un nombre grandissant d'arrestations puis de condamnations. Et une réalité sur le terrain avec des flics encore plus vénères qu'en 2006.

En 2009, un nouveau squat voit le jour, Le Gallion (rue de Gaillon), avec des personnes d'autres lieux précédemment cités. Ironiquement, c'était un endroit où beaucoup d'anars vivaient durant les années 80/90/2000 car les loyers n'étaient vraiment pas chers et les allocs de la CAF permettaient de payer quasiment tout le loyer. Avant l'expulsion, les dernièr-es habitant-es ne payaient déjà plus leur logement.

Laissé vacant un temps, ce lieu sera donc squatté à nouveau. C'est une belle période où les rencontres précédentes permettent à ce que lieu soit vivant et animé : concerts, bouffes, journées jeux, des apéros avec les gens du quartier !

Il y avait aussi eu d'autres ouvertures de maisons un peu partout au canal St Martin : La Verte, La Rose. Et différents terrains avec caravanes qui n'avaient pas toujours de noms spécifiques. Il y a eu tellement de squats dans ce quartier que c'est difficile de tout détailler.

Et toujours en 2009, ouverture d'un nouveau lieu, la Grivèlerie (rue de Paris) :
« Le 17 octobre, au soir d'une manifestation interdite à grand renfort policier, une centaine de personnes investissent la maison du 47 rue de Paris... La Grivèlerie est ouverte ! Cette occupation répondait à la nécessité de décloisonner certaines luttes menées parallèlement à Rennes et de surmonter les isolements individuels. Lieu de rencontres, d'organisation, de fêtes...
La Grivèlerie, ce fut tout cela avant d'être expulsée brutalement deux semaines plus tard au terme d'une procédure d'urgence, GIPN à l'appui. » (squat.net).
Certes, ça n'a pas duré longtemps mais suffisamment pour marquer les esprits et aussi pour réapparaître cette fois en juin 2010 dans un ancien hôtel, rue de Ravial à Rennes, derrière la gare, avec projections, court d'informatique, etc, etc, etc... !

Dans le tournant des années 2010, d'autres ami-es ont ouvert à différents endroits de la ville comme les squats Chez Jacqueline (Bvd de Vitré), Francisco Ferrer, Rue Calmette, La Maison Blanche, Rue Léon Bernard ! A la même période, suite à l'expulsion du Gallion, c'est au tour de Rue de Quineuleu, derrière la gare, aka Le Bar Clandestin, avec évidemment des soirées bar clando, tous les mercredis. Force est de constater que c'était une période où il y avait pas mal de squats à Rennes mais aussi de colocations dans la même démarche et en lien direct avec les squats. Par exemple, Chez Marcel était un lieu situé dans une petite rue sans issue avec quatre maisons et des jardins. Ce petit coin tranquille, un peu atypique et vert en pleine ville, rue du docteur Dordain et ses fils, était à proximité de l'hôpital de Pontchaillou, de l'université de santé et l'université de Rennes 2. C'était une petite maison louée pas cher avec des caravanes et une cabane à l'extérieur pour loger les habitant-es. Le terrain d'en face de 2000m a été réquisitionné pendant un temps afin d'y faire du jardinage. Pour rappel, il y avait en 2009, dans le bout de cette petite rue, une maison squattée par d'autres potes (liés à pleins d'autres squats cités auparavant) qui s'est fait expulser puis détruire. Plus tard, une autre maison fut louée à l'autre bout de la rue par des amis. Tous ces lieux réunis nous ont permis de vivre des moments forts chaleureux, intenses et remplis de beaux souvenirs, créant des liens durables.

Après l'expulsion prévue du Bar Clandestin, rue de Quineuleu, les clefs ont été données à des punks de la zone qui y ont organisé quelques concerts.

Plus ou moins à la même période, en bas de la rue de Quineuleu, il y avait quatre autres squats dont La Mauvaise Blague et La Traverse. Ce quartier derrière la gare regorgeait de petites maisons ou bâtiment vides qui ont fait l'objet d'occupations. Ce quartier Sud Gare a été totalement dévasté par les projets immobiliers dont une grande partie des maisons ont été détruites pour laisser places à des immeubles dernier cri.

Durant le Mouvement des retraites de novembre/décembre 2010, la ville était en pleine agitation politique et la nécessité d'un lieu pour s'organiser était nécessaire. D'où l'ouverture La maison de la grève (lieu associatif rue Legraverend). S'organiser, se réunir, faire la fête et de la musique, un bar, une cantine, etc...

Ce même nom sera utilisé plus tard par un groupe autonome, pour leur local sur Rennes, qui a ouvert officiellement en février 2012 pour que leurs activités (cantines, débats, discussions, infokiosk, etc...) puissent continuer d'exister. Seulement, les tensions existantes avec différentes composantes de ce nouveau lieu n'ont pas permis de retrouver des dynamiques mobilisatrices.

En janvier 2011, arrive La pomme pourrie (rue Ferdinand), qui a aussi failli s'appeler le SCAS (Section Carrément Anti Sardou), pseudo collectif né pour emmerder la tenue d'un concert de Michel Sardou à Rennes. Une douzaine de concerts y ont eu lieu entre janvier et juin. C'était un chouette lieu avec de chouettes gens et un bel espace intérieur et extérieur. Juxtaposé à ce squat, il en existait un autre non mixte, permettant à des copines d'avoir un lieu où elles se sentaient en sécurité.

L'expulsion de la PP (pomme pourrie) a eu lieu en été 2011. D'autres squats existaient comme Chez Mémé (rue Michel Coulomb), qui à la fois était habité et servait aussi de lieu relai entre différentes aventures squat.

En 2011 encore : expulsion du Squat artistique de la Sernam, installé depuis décembre 2010 dans des locaux appartenant à la SNCF, occupés depuis six mois par un collectif d'artistes issu de l'Élabo et de l'association Arrête 23.

Entre 2011 et 2012 : Arrêt 23 (plaine de baud) est ouvert par un groupe de personnes provenant de différents milieux (teuffeur-euses, punks, etc). L'espace était composé de grands hangars tout près du squat Le 48 et de l'Élabo.

Durant les fêtes de noël 2011, un nouveau lieu est ouvert, La Mérule (Allée Saint-Hélier). L'endroit a accueilli pas mal de soirées : concerts, projections, bouffes. Pour rappel, le dernier concert a eu lieu le lundi 25 juin avec See Sea Six et Les Profs de Skids, une soirée délirante. Non loin, il y avait un autre squat près du cimetière de l'Est, ouvert par des potes issus de la même bande.

Vers 2012, La Poudrière, dans le quartier derrière la gare, dans l'une des rues en face de la prison des femmes, ainsi qu'un autre Rue Blériot. Puis, lors de l'ouverture du local La maison de la grève, un nouvel endroit fût ouvert pour l'occasion rue Legraverend, Chez Rita, en référence à la sainte patronne des causes désespérées.

Durant cette période, de nouvelles générations de militant-es débarquent sur Rennes et de nouveaux squats sont apparus comme, entre autres, le squat du MIL (route de Lorient), pas très loin où se situait la Maison Jaune et le Kawa quelques années auparavant. Ces mêmes personnes ont ouvert d'autres lieux dont un dans la même rue, puis peu de temps après un autre à proximité de Rennes, qui existerait toujours.

Parallèlement en 2012, le CLAR (Comité de Liaison et d'Action Rennais) voit le jour, rassemblant des militant-es d'horizons divers (SUD-éducation, SUD-télécom, La sociale, FO, MCPL, CAC 35, DAL, UNEF, FASE, Indignés, Souris Verte, CNT...). Avec une volonté partagée de décloisonnement des luttes. Voilà tel qu'il se définissait :
« Le Comité de Liaison et d'Action Rennais réunit des personnes appartenant ou non à des organisations. Le CLAR est un espace de mise en résonance des luttes et de solidarité effective parmi celles-ci. Ce comité vise à relayer, soutenir, coordonner des luttes revendicatives d'émancipations et de réappropriation contre tout type de domination. C'est un espace d'enquête, de réflexion et d'autoformation. A l'image des différents espaces de rassemblements inter-luttes nés au cours des derniers mouvements sociaux, l'un des objectifs du CLAR est d'être à l'initiative d'actions.
Le Comité porte une égale attention aux combats menés, qu'ils soient liés aux espaces de travail ou qu'ils concernent les autres sphères de l'existence. En ces temps de crise de l'économie, la classe capitaliste mène l'offensive en Europe par l'austérité qui amplifie les dominations. Face à cela, le Comité se donne pour ambition de s'opposer à ces choix, dégradant toujours plus les conditions de vie du plus grand nombre et l'environnement commun ».

Ce collectif publiait aussi un bulletin d'info mensuel annonçant les différentes actions. Face à la perpétuelle pénurie de lieux et pour organiser une Semaine de mobilisation inter luttes du 16 au 23 mars 2013, des membres de ce collectif ont ouvert un squat éphémère 22 Rue Nadault de Buffon (quartier Alphonse Guerin). Divers importants débats s'y sont déroulés, en particulier un sur le féminisme. L'émission sur radio Klaxon de la ZAD (Zone à Défendre) de Notre-Dame-des-Landes « Appel aux femmes de la ZAD » a été la porte d'entrée des féministes pour mettre les points sur les i à différents courants radicaux présents. C'est un débat qui a permis à certain-es d'évoluer et de sortir de l'antiféminisme puéril si omniprésent.

En 2015, toujours avec la même dynamique et pour palier à la pénurie de lieu collectif, La boite noire (quai de Richemont) fût ouverte pour une durée limitée de deux mois et demi, de fin mars à début juin. Ce lieu a permis à un certain nombre de collectifs de différentes horizons libertaires d'y organiser leur soirée de soutien. Ce lieu d'activité était très festif mais a permis de mettre en avant pas mal de luttes et de rapporter d'importants fonds de soutien, ce qui était nécessaire vu l'ampleur de la répression et le besoin financier pour alimenter les caisses anti-répression.

La même année, un squat nommé Maryvonne (Rue de Chatillon) a fait la une des journaux. Même l'extrême droite identitaires s'est mobilisée pour mettre la pression sur les occupant-es . Cela s'est évidemment soldé par l'expulsion du lieu.

Début 2016 est ouvert Le Soupirail (Avenue Aristide Briand), qui servi de base aux activités du comité ZAD de Rennes et de lieu de fête de soutien pour les inculpé-e-s du mouvement contre la loi Travail. Au départ, l'idée était d'avoir un lieu susceptible d'accueillir du monde le 6 février 2016 lors du Carnaval de soutien contre l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et contre l'état d'urgence. Ce soir-là, malgré des arrestations, un concert à lieu avec les Scotcheuses et d'autres groupes. Ce lieu a tenu une partie de l'année 2016 qui reste riche en événements puisqu'au printemps, un autre mouvement de grève naissait et cette fois contre la loi sur les retraites. La maison du peuple, lieu de mémoire des luttes ouvrières, aussi appelée Salle de la Cité, va être judicieusement squattée lors de la manif du 1er mai. Le soir même un concert prévu initialement au Soupirail est déplacé là-bas (Cave Ne Cadas, Bakounine, Finish Me, etc.). Expulsé dans l'été 2016, « le bâtiment avait retrouvé sa façade terne et sans vie ».

Voici comment est relaté l'information sur le site LundiMatin :
« À Rennes, dimanche 1er mai, quelques centaines de manifestants investissaient la salle de la Cité. Après deux nuits d'occupation, la mairie renonçait à l'évacuation - non sans avoir préalablement menacé de mandater ses flics pour vider les lieux. Mercredi 4 mai, la salle de la Cité était ainsi rendue (semi-)officiellement à sa fonction et à sa dénomination première : elle était, pour une nouvelle fois, la Maison du Peuple. »

La tenue du lieu dépassait largement le cadre de l'opposition à la loi Travail, tant dans la façon de s'organiser que par la diversité des préoccupations de celles et ceux qui y participaient.
Une première expulsion de la Maison du Peuple a eu lieu dans la matinée du vendredi 13 mai, en grand renfort du RAID (Recherche Assistance Intervention Dissuasion de la Police Nationale).
Bien qu'expulsée, le bâtiment a été à nouveau squattée pour poursuivre le mouvement. Je retiens surtout une soirée, celle du 7 juin avec sept groupes (Ultra Démon, Situation, Ersatz, etc.) et autres animations.

Depuis cette époque, il y a énormément d'ouverture de squats qui ont échouée en 24h. La police étant sur le qui-vive et les lois s'étant durcies, rendant caduque le principe des 48h d'occupation, et généralisant l'infraction de violation de domicile.

Durant la même année, à Pontchaillou, entre octobre 2016 au printemps de 2017 : c'était deux maisons mitoyennes Rue Antoine Joly, occupées par deux collectifs d'habitation réunissant une petite dizaine d'étudiant.es/précaires puis il y a eu deux familles roumaines à les rejoindre.

Par la suite, ce « même collectif » a ouvert La Foudre, d'octobre 2017 à juin 2018. Lieu d'accueil, il y est organisé au moins un événement public afin de louer un bus pour aller à la marche des solidarités à Paris.

A la même période ont existé Les escarpolettes 1 et 2, dans le quartier de Bréquigny. Les escarpolettes 1 : d'octobre 2016 à juillet 2017 et Escarpolettes 2 d'octobre 2017 à aout 2018) : ce collectif d'habitation était exclusivement queer et/ou racisé ; c'était aussi un lieu d'accueil et d'activités (magasin gratuit, concerts...). Il y a eu notamment les premières réunions du réseau solidarité exilé.es qui a existé pendant un an environ et se sont retrouvées après au Bocal (lieu féministe rennais). Des bars trans mensuels s'y sont déroulés.

Autour de février 2017, une autre équipe a ouvert La Chapelle, rue Alphonse Guérin, non loin d'où se trouvait l'Ékluzerie. Il s'agissait d'une ancienne chapelle désacralisée, avec une cour et une maison accolée. C'était plutôt un lieu de fête avec spectacle et concerts, mais aussi avec des cantines régulières et des réunions. Le lieu a été expulsé début octobre de cette année-là.

Durant l'hiver 2018/2019, il y avait La Dentelle (rue du champ de la justice), ancien bar-hôtel proche du Stade Rennais et non loin des squats Les Maisons Jaunes de 2003. Le lieu accueillait des personnes queer et des personnes exilé-es. Il y a eu deux soirées bar trans mais c'était surtout un lieu d'habitations.

Dans le même esprit, il y a eu La Betterave entre 2018 et 2019, qui a duré un an et demi. C'était un lieu squatté dans la campagne de Bruz, à une dizaine de km de Rennes, réunissant des personnes queer et/ou racisées et personnes exilé-es.

Actuellement, ce sont beaucoup de squat de personnes exilé-es qui ont vu le jour. Par exemple, le Collectif Action Logement 14.09 « s'est constitué et est passé à l'action en ouvrant et mettant à disposition des personnes à la rue un bâtiment industriel non utilisé d'environ 1 hectare de superficie, situé au 30 Rue des Veyettes ». Ces bâtiments ont pu accueillir jusqu'à 5OO personnes, migrantes et réfugiées, dans des tentes, en plein hiver dans des bâtiments non chauffés. La situation sanitaire et sociale était catastrophique.

Enfin, en février 2020, « un collectif de personnes exilées et de militant.e.s a ouvert un bâtiment, le Manoir de la Motte Au Duc, situé au 221 avenue du Général Leclerc afin d'y loger un certain nombre d'habitant.e.s du hangar des Veyettes. Propriété de la Mairie, ce bâtiment lié au Centre Hospitalier psychiatrique Guillaume Régnier est vaste, à l'intérieur comme à l'extérieur » (squat.net). Malheureusement, la récente épidémie du COVID-19, avec tout ce que ça implique, a fortement dégradé la situation de ces personnes, tant sur le plan sanitaire qu'alimentaire. Une régularisation de tous les sans papiers aurait permis qu'ils et elles puissent se soigner et se confiner dignement.

Pour conclure, je pense qu'il serait intéressant d'approfondir l'histoire d'un certain nombre de lieux, de préciser les contextes, d'approfondir les liens avec les mouvements sociaux, les luttes et les thématiques abordées à travers ces lignes.

paradoxle 18 décembre 2022 à 15:58  •   89656

Pour cet expo, et peut-être bien un bouquin si j'ai bien compris, je trouvais que ne faire qu'un résumé historique des lieux alternos étaient réducteur. Je me suis permis de pondre un petit truc et les étudiants l'ont trouvé "top !". Du coup, je vous le mets, nettement moins long que le survol des lieux au-dessus.



Rhizome et électrons libres.

J'aimerais apporter deux aspects essentiels au mouvement squat qui passent sous les radars si l'on se focalise ponctuellement sur l'histoire et les endroits. Je propose un dé-zoom qui fera apparaître un rhizome parsemé d'électrons libres.

D'une façon générale, le point commun de tous les squats que j'ai rencontrés et de tous les collectifs en général, c'est un espace d'expérimentation sociale qui doit jongler entre intérêts collectifs et intérêts individuels. Et trouver un équilibre qui passe par une bonne communication au bon moment. Tous ces endroits, malgré une forme de communisme, celle d'une mise en commun, permettent à l'individu de trouver sa place, d'y trouver une forme d'émancipation.
« Des échanges permanents pour trouver un ajustement entre les intérêts individuels et un investissement dans des intérêts collectifs, un projet qui se bâtit sur la recherche d'un accord qui permettent la coopération des acteurs. »1

Ce ne sera pas une surprise si je dis que les échecs, collectifs ou individuels, furent et seront pléthore. Mais chaque expérience est un apprentissage utile ne serait-ce que pour savoir ce que l'on ne veut plus. Cela affine la mise en pratique et les règles unanimement consenties. Ou bien cela scissionne et essaime.
Mais bon, essais/échecs, c'est justement ce qui permet les réussites flamboyantes, les joies intenses, les amitiés vraies, les belles rencontres, les espaces libérés, une créativité fructueuse et luxuriante, un art réapproprié et subverti, un changement social plutôt que politique, une mise en pratique qui évolue sans cesse pour mieux s'adapter.

Tous ces lieux, ces squats, communautés, ateliers d'artistes ou centres sociaux, passés et présents, sont dans une continuité historique, celle d'une certaine radicalité artistique, sociale ou politique. Depuis les cyniques grecs aux hippies en passant par les nihilistes russes ou Dada, l'anti-psychiatrie ou le situationnisme, jusqu'au punk en temps que mouvement social. Et la suite qui se réinvente.

S'il n'y a pas vraiment de réseau formel qui lierait tous ces lieux, individus et époques, il existe un rhizome quelque peu impréhensible, insaisissable, un vaste système chaotique de cultures, de tendances, de visions de la liberté et de sa mise en pratique individuelle ou générale. Les liens sont fait d'affinités, de concerts et de chantiers, d'échanges de savoir, de gratuité, de dons, de rencontres improbables, de grouillements nomades et de bouillonnements créatifs.
Un rhizome auto-organisé qui exploite et assimile les aléas et profite des coïncidences, en perpétuel altération et amélioration, bouleversement et conversion, cession et renouvellement, viable parce qu'en mouvement, riche et innovant parce que désordonné.

Dans ce chaos organisateur, chaque lieu doit apprendre à gérer l'équilibre entre ouverture et fermeture. Trop ouvert, il se fait bouffer. Trop fermé, il se sclérose. Ce qui permet les échanges et le mouvement.

Ici interviennent les électrons libres, les Tuttle, les nomades et autres travailleurs de l'ombre, qui vont où le vent les mène. Ceux qui ont du mal à se positionner dans un groupe ou à adhérer à une étiquette, qui vivent parfois ou fonctionne en collectif tout en se méfiant des bandes, qui s'adaptent facilement et bougent quand bon leur semble. Tout un panel d'inclassables, assez ingouvernables.
Ils font des ponts entre les lieux, créent des ouvertures voire des coopérations. Ça stimule un lieu d'avoir du passage constructif. Ils sont porteurs d'infos. Ils réparent un truc important, ils participent aux chantiers. Ils ouvrent parfois un squat en solo et invite les amis. Ils jouent parfois dans des groupes et connaissent un nombre impressionnant de lieux. Ils ramènent un peu de pêche et souvent, ils sont l'oeil extérieur et disposent de bons conseils pour des collectifs qui en ont bien besoin humainement parlant. Ça cause.

Les électrons libres, dont le fonctionnement repose sur les affinités, sont nombreux et variés, ils participent au mouvement évolutif du rhizome en général et de collectifs en particulier.

Ambre31le 17 janvier 2023 à 00:07  •   90974

J'ai commencé par le plus facile, ton texte perso @paradox. Déjà, c'est chouette de pouvoir écrire tout ça. et c'est génial que ces étudiants s'y intéressent, Ca serait intéressant de répondre à leurs questions en fait, et de les questionner sur pourquoi ça les intéresse.
Apès, ça fait un peu "mise en bouche", on reste un peu dehors, avec envie de plus concret, comme tu sais le faire vivre d'habitude... c'est quoi, concrètement, ce "communisme" qui chercher l'équilibre entre les intérêts individuels et collectifs ? Pourquoi eux, ils parviennent à faire ça et pas la majorité des gens ? Comment on met en commun, tout en s'occupant de ses propres intérêts. Ca veut dire quoi vivre dans un squat, en tant qu'individu, et faire partie d'un collectif au qutodien, (quand en plus, on se sent déjà soi-même en décalage) ? C'est qui ces gens ? pourquoi eux ils savent s'auto-organiser et les autres, ont besoin de chefs ? Est-ce que eux, ils ne supportent pas les chefs ? etc.
( PS : coquille : qui vivent parfois ou fonctionneNT en collectif)

Maele 17 janvier 2023 à 00:19  •   90975

Ha les soirées à l'élaboratoire! 😀 😀 😀

paradoxle 17 janvier 2023 à 03:18  •   90979

@Ambre31 Déjà merci pour ton retour.
Sinon, le processus continue, ils m'ont interviewé la semaine dernière en visio. C'était rigolo à faire.

En fait, c'est un sujet imposé par la fac (ou leur prof, je sais pas) mais elles étaient (c'était trois filles) hyper-intéressées. Ça aurait pu durer des heures et des heures mais à certaines questions, je vais continuer à écrire (trois textes).
Le truc, c'est que c'est pas le squat, le thème général, c'est le punk à Rennes. Je vais tenter un texte qui place le punk en tant que mouvement social dans la continuité de l'anti-consumérisme, (la base du mouvement alternatif à la société de consommation), de sortir du punk-rock, récupération médiatico-commerciale de ce mouvement de contestation esthético-politique : "La nature de votre oppression sera l'esthétique de notre colère".
Le squat n'étant qu'un moyen de vivre nos idées, ici et maintenant, sans attendre un hypothique grand soir.
Et deux textes sur deux squats en particulier car ils manquent de données.

Ta liste de questions est pertinente, je vais voir si je ferais pas un quatrième qui répondrait à ça.
"quand en plus, on se sent déjà soi-même en décalage".
Si tu savais à quel point je m'aperçois après coup qu'énormément de monde que je connais est vraisemblablement concerné par un atypisme ou l'autre, plus ça va et plus je peux en rajouter sur ma liste. Encore un samedi, que je connais de Bruxelles et qui tenait un stand à un salon de micro-édition, artiste perché, tellement timide et renfermé dans la vie, tellement talentueux, tellement imaginatif, si intelligent et gentil.
Il me parait clair que quand je parle de réseau d'affinité, beaucoup d'atypiques se reconnaissent sans même le savoir, juste des bandes de chelous qui s'entendent bien, qui respectent et apprécient les singularités, la solitude, les égarements, les humours décalés, etc, etc, de chacun. Et qui ont toujours des trucs à s'apprendre les uns les autres.
(mais bon pas tout le monde, ça c'est clair aussi)

"Est-ce que eux, ils ne supportent pas les chefs ?"
C'est une des bases, en effet.

"pourquoi eux ils savent s'auto-organiser ?"
Parce qu'ils apprennent au fur et à mesure, c'est ce qui fait que s'il y a des points communs, il y a des disparités énormes, suivant les sensibilités, les opportunités, bla bla bla (bon, je vais pas commencer un brouillon, je dois aller dormir).


@Mae N'est-ce pas ?
J'ai joué à une grosse fête de l'élabo qui se passait à la Villa en 2004, 2005, avec Anakarsis Cloots. Ça se trouve, tu y étais ? 😀

paradoxle 22 janvier 2023 à 00:10  •   91165

@Ambre31
Je voulais revenir sur ta question : "ce "communisme" qui cherche l'équilibre entre les intérêts individuels et collectifs ?"
C'est pas tout à fait ça. C'est chercher un équilibre entre communisme et individualisme. Pour préciser, je vais copier et chipoter des extraits de mon bouquin (un peu par fainéantise et aussi parce que j'ai prévu de continuer à écrire les autres articles, ça avance mais c'est long).


C'est ça le défi, faire vivre ces soi-disants opposés. La recherche d'équilibre entre communisme et individualisme. Un mouvement constant où l'un apporte à l'autre.

Il faut se débarrasser de l'idée du communisme étatique, on ne parle ici que du fonctionnement de groupes et des relations entre eux.
La question communiste porte sur l'élaboration du jeu entre les différents mondes, sur l'instauration du sensible. Le communisme veut élaborer entre ceux qui vivent ensemble des modes de partage et des usages. C'est un ensemble d'actes de mise en commun de tel ou tel espace, tel ou tel engin, tel ou tel savoir. Ça n'est rien d'autre. Le terme est certes galvaudé, à tout le moins connoté, je ne l'utilise ici qu'en son sens premier, la mise en commun. J'ai beau chercher, je ne trouve pas de mot plus approprié et moins mal vu ou compris.

L'individualisme ? Stirner évidemment. « L'individu ne supporte pas de n'être considéré que comme une fraction de la société, parce qu'il est plus que cela. Son unicité s'insurge contre cette conception qui le diminue et le rabaisse. »
L'individualisme est une position morale qui privilégie les intérêts de l'individu à ceux du groupe. Faudrait surtout pas confondre avec égoïsme ou le soi-ïsme (l'individualisme libéral) comme le disent certains philosophes. Le partage, l'entraide ou faire partie d'une organisation n'est pas incompatible avec l'individualisme.
Les membres du groupe Crass aussi disaient ça : « Il n'y a pas d'autorité en dehors de toi-même ». Et la plupart d'entre eux vit encore en communauté.

Les alternatifs à la psychiatrie parlent « d'échanges permanents pour trouver un ajustement entre les intérêts individuels et un investissement dans des intérêts collectifs, un projet qui se bâtit sur la recherche d'un accord qui permettent la coopération des acteurs ».
Et c'est exactement ça que j'ai vécu pendant trente ans.

paradoxle 24 janvier 2023 à 22:25  •   91273

@Ambre31 Je sais pas trop si tu auras le temps mais j'ai essayé de répondre à tes questions et je ne serai pas contre un retour critique avant de l'envoyer aux étudiants.



Je voudrai ici répondre à certaines questions que l'on m'a posé par rapport au texte Rhizome et électrons libres.

La recherche d'équilibre entre communisme et individualisme. Un mouvement constant où l'un apporte à l'autre ?

Il faut se débarrasser de l'idée du communisme étatique, on ne parle ici que du fonctionnement de groupes et des relations entre eux.
« La question communiste porte sur l'élaboration du jeu entre les différents mondes, sur l'instauration du sensible. Le communisme veut élaborer entre ceux qui vivent ensemble des modes de partage et des usages. C'est un ensemble d'actes de mise en commun de tel ou tel espace, tel ou tel engin, tel ou tel savoir. » in Appel.
Ça n'est rien d'autre. Le terme est certes galvaudé, à tout le moins connoté, je ne l'utilise ici qu'en son sens premier, la mise en commun. J'ai beau chercher, je ne trouve pas de mot plus approprié et moins mal vu.

L'individualisme ? Stirner évidemment. « L'individu ne supporte pas de n'être considéré que comme une fraction de la société, parce qu'il est plus que cela. Son unicité s'insurge contre cette conception qui le diminue et le rabaisse. »
L'individualisme est une position morale qui privilégie les intérêts de l'individu à ceux du groupe. Faudrait surtout pas confondre avec l'égoïsme... ou le soi-ïsme (l'individualisme libéral) comme le disent certains philosophes. Le partage, l'entraide ou faire partie d'une organisation n'est pas incompatible avec l'individualisme.

Les membres du groupe Crass aussi disaient ça : « Il n'y a pas d'autorité en dehors de toi-même ». Et la plupart d'entre eux vit encore en communauté.

Les individus prennent soin du groupe, le groupe prend soin des individus.

Les alternatifs à la psychiatrie parlent « d'échanges permanents pour trouver un ajustement entre les intérêts individuels et un investissement dans des intérêts collectifs, un projet qui se bâtit sur la recherche d'un accord qui permettent la coopération des acteurs ».
Et c'est exactement ça que j'ai vécu pendant trente ans de squats et autres collectifs.


Pourquoi eux, ils parviennent à faire ça et pas la majorité des gens ? Pourquoi eux savent s'auto-organiser et les autres ont besoin de chefs ?

Parce qu'ils ont essayé. Parce qu'ils apprennent au fur et à mesure, c'est ce qui fait que s'il y a certains points communs, il y a des disparités énormes suivant les sensibilités, les opportunités, les objectifs, les motivations, etc, entre tous ces collectifs, groupes, bandes.
Essais, erreurs, ajustements.
Je reste persuadé que la majorité des gens en est capable, confrontée à une situation où il n'y a plus le choix, où l'entraide est la seule voie pour avancer.

La plupart des gens, on leur a toujours appris qu'une organisation était une hiérarchie. Ils n'arrivent pas à imaginer autre chose juste parce qu'on ne leur a pas montré qu'une organisation horizontale pouvait très bien fonctionner.
Mais si le postulat de base est que personne n'a plus de pouvoir qu'un autre et qu'il existe des modalités pour le garantir, alors les possibilités d'organisation horizontale sont multiples et souvent efficaces.

Mais ça n'empêche pas les moteurs, ceux qui entraînent, qui motivent. Ce ne sont pas des leaders, le rôle de moteurs peut et doit tourner. Le principe d'action est simple : organiser plutôt qu'ordonner, communiquer plutôt que commander, animer plutôt que diriger.


Ça veut dire quoi vivre dans un squat en tant qu'individu et faire partie d'un collectif au quotidien ?

Déjà, ça veut dire qu'il existe des parties communes et des parties intimes.
Les premières : la cuisine, le salon, la salle de bain, un atelier bricolage et autres suivant le lieu et les gens (salle de répèt', salle de jeu, un jardin, un garage, etc).
Les deuxièmes : une chambre par personne ou par couple et éventuellement un atelier individuel (artistique ou manuel en général, tout est possible).

Surtout, cela dépend des objectifs du groupe et de chacun. Pour partir dans les extrêmes, certains groupes n'ont pas d'autre but que de vivre ensemble, d'autres préparent la révolution, certains ont besoin de se loger pas cher, d'autres de place pour construire. Tout est permis.

Il y les lieux où les gens se connaissent suffisamment, se voient suffisamment (bouffent ensemble), se parlent suffisamment pour ne pas avoir à faire de réunions. Où la communication est fluide et les arrangements sont souples et facile à mettre en place.
Il y a des lieux où les gens se connaissent moins, sont très nombreux, etc, et où les réunions deviennent indispensables. Le plus dur est de se mettre d'accord sur les sujets à aborder ensemble, si tout doit être discuté ou si la spontanéité à sa place. Une fois ça mis au point, ça roule assez bien.
Le mieux est de ne pas créer de règles à l'avance. Les réunions et les régulations doivent intervenir quand un problème arrive, pas avant. Et quand le problème doit se régler ensemble, ce n'est souvent qu'une question de bon sens et d'imagination, d'intelligence collective.


C'est qui ces gens ?

Ça peut être n'importe qui. Des anciens zonards, des enfants de prolos comme de bourgeois, des artistes déjantés désargentés, des hyper-actifs contents d'avoir trouvé un terrain de jeu, des intellos qui mettent la main à la pâte, des dégoûtés du système, des militants autonomes ou anti-autoritaires, des queers qui désirent un lieu entre elleux, des femmes entre elles, des punks qui font jouer des groupes dans leur salon, des anti-fa ultra-organisés, des nomades heureux d'avoir trouvé une chouette bande, des dignes représentants du lumpen-prolétariat, ...

La liste est sans fin, en vrai. Juste des gens qui trouvent que ça manque de place et se prennent en main. Et qui ont décidé que le manque d'argent ne devait pas être un frein à leur liberté de construire un monde qui leur convienne.

Parce que des lieux vides, y en a partout, alors pourquoi ne pas en profiter ?


Parmi les gens qui sont passés par les squats, beaucoup en garde un souvenir impérissable de liberté, de créativité, d'amitié, de joies et de difficultés résolues plus ou moins bien. Certains ont rebondi dans des collectifs officiels (loués, achetés), d'autres se sont rangés, des groupes ou des artistes ont percés, j'en connais même qui font de la politique.

Le squat n'est pas un but, c'est un moyen, chacun en fait ce qu'il en veut. Les lieux collectifs sont suffisamment variés et éclectiques pour trouver sa place.

Ambre31le 26 janvier 2023 à 20:33  •   91353

Heu ... Covid aimant apparemment me visiter en janvier, entre autres occupations et préoccupations... J'attends une éclaircie et je reviens @paradox. C'est pour quand?

paradoxle 26 janvier 2023 à 21:14  •   91355

@Ambre31 C'est pas très pressé, prends ton temps. J'ai déjà deux textes à leur envoyer et je leur demanderai s'il y a une date ultime. L'expo, c'est début avril.
Bon rétablissement !

Ambre31le 01 février 2023 à 01:00  •   91518

C'est fait.

paradoxle 22 mars 2023 à 12:20  •   93334

Le vernissage de l'expo, 6 avril. J'y serai ! En plus de l'expo, un fanzine sera proposé (mes textes sont utilisés).

paradoxle 13 avril 2023 à 00:56  •   94281

J'y suis donc allé.
Je vais me fendre d'un petit carnet de route, tiens, y avait longtemps.

Avec ma nouvelle compagne (on dirait bien que ça colle plutôt bien entre nous), nous v'là parti pour cinq jours en Bretagne gallèse en camionnette.
Première étape chez un vieux pote, qui était assez actif dans les milieux alternos punk et toujours actif dans les luttes anti-nuc, et sa copine. Ils ont une ferme au bord de la Vilaine encore ruisseau, se lancent depuis un moment dans le maraichage bio et ont commencé à faire leur miel (très bon). Une soirée + une journée bien détendues.
Il dira après avoir vu l'expo : "Ça fait quand même bizarre de voir sa jeunesse dans un musée."

J'en ai profité pour aller voir ma mère vite fait, elle habite pas loin.

Deuxième étape, Rennes. Ma pote devait rendre une contrebassine de compèt' (une poubelle grande taille en platoc, un vrai manche de contrebasse, un plateau rond en bois dur pour la table de résonnance) à un vieil ami, artiste déchu, alcoolique, vivant dans une caravane dans un terrain vague. Il nous accompagne à l'expo.

On arrive une heure avant le vernissage, on prend le temps d'admirer avant l'arrivée en masse des gens.
L'expo est assez chouette, exhaustive, les documents sont nombreux, la mise en contexte par quelques textes est bien faite.
Je suis même assez épaté par les archives recueillies autour de notre fanzine, notre groupe, nos squats d'activités de l'époque (c'était il y a entre trente et trente-cinq ans quand même).
Bon boulot en gros, même si l'essentiel reste dans nos souvenirs : le pied que c'était de construire le monde autour de soi, en groupe.

Et puis le gens arrivent, plein de monde d'un coup. Et quelques amis. Retrouvailles, papotes, souvenirs, nouvelles. On se ravitaille au buffet et au bar, on écoute le DJ vieux-disques-dans-le-thème. Mais j'ai pas vraiment causer avec les filles qui ont fait l'expo, trop occupées. Et puis on a décliné leur invitation à boire un verre après dans un bar à la noix. On a un peu de route à faire.

Troisième étape, chez Guéna, qui a écrit l'historique des squats rennais au début de ce fil.
Guéna, toujours à fond. J'ai beau parfois me dire hyperactif, c'est de la rigolade à côté de lui. Il joue dans trois groupes, il organise des concerts, il tient une distro (il m'a rendu 15 balles des ventes de mon bouquin à prix libre, cinq ans après), il a retapé sa maison presque seul (enduit en terre-paille, chauffe-eau solaire, aménagement du grenier en grande chambre), il jardine, taille les fruitiers, fait des conserves, il lit énormément (belle bibliothèque), bosse à mi-temps dans une bibliothèque municipale, et quand il ne fait rien il parle, qu'est-ce qu'il parle, pfff... mais c'est passionnant. Et je suis jaloux de son mur de trois mêtres sur deux de vinyls et de K7.
Il accueille un autre vieux pote de l'époque, plutôt anar (au sens F.A.), plombier syndiqué CNT, qui s'est retrouvé sans logement après une séparation. Il habite une grande caravane dans le jardin le temps lui aussi de retaper une maison.
(petite ironie du sort, ce sont les punks qui dépannent les militants dans le besoin).

Dernière étape, un ami, un vieux complice. À la base du fanzine, écrivain et maître es photocopieuse, des textes pour le groupe, avec qui j'ai ouvert mes deux premiers squats à Rennes et avec qui je suis parti en Angleterre plus tard, ouvert des squats à Londres, Grenoble,... Et j'ai mis en musique ses plus beaux textes sur K7, où je joue tous les instruments.
Il sort d'une sale période bien longue : mort de son frère, culpabilité, alcool pour oublier (ça marche pas). En couple assez destructeur puis rupture... culpabilité, alcool.
Il n'a pas bu depuis un an, ça va beaucoup mieux.
Il loue pour presque rien un petite maison au sud de Fougères, il va travailler en vélo électrique qu'on lui a offert quand il a perdu son permis. Champion du jardin mais piètre bricoleur. Il prévoit de faire un atelier pour ses collages : encres noire et blanche sur de grands papiers craft qu'il déchire et recolle pour faire de petits tableaux, j'aime bien.
On lui a refoutu un coup de pêche en passant chez lui et l'encourageant à continuer ses textes et ses collages, il en a bien besoin.
Il nous a aussi fait visiter Fougères et ses deux locaux des Oiseaux de la Tempête, collectif auto-organisé pour la construction d'un monde anti-autoritaire.

Un détour sur le retour par Vivier-sur-mer pour manger des moules fraiches, passer devant le Mont-St-Michel (je suis né à cinq kilomètres).
Bref, cinq jours bien intenses.


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