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La folie de Don Quichotte

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La folie de Don Quichotte
MAReadle 23 mai 2021 à 13:58

RACONTER ET MOURIR | Thierry Hentsch
Cinquième partie. L'irruption du doute
XIV. La folie singulière

TEXTE INTÉGRAL
« Mais vous, mon seigneur, quelle raison avez-vous de devenir fou ? »
(i, xxv, 234)

1. Figure inaugurale du roman moderne, il est le personnage le plus célèbre de la littérature occidentale. Mais très peu de gens connaissent son histoire. D'elle ne restent que des épisodes, des images, des silhouettes. Don Quichotte est ce fou, ridicule ou tragique, c'est selon, qui combat les moulins à vent. Cette charge insensée le résume, nul besoin de le lire. La célébrité de la figure efface le récit. Pourtant, ce récit, d'une drôlerie magnifique, joue avec la vérité comme aucun autre avant lui. Pour entrer dans le jeu du roman, il faut d'abord en dessiner aussi fidèlement et brièvement que possible les nervures.

2. Le narrateur se présente à la fois comme un chercheur et comme le traducteur d'un récit originellement écrit par un historien arabe dont il garantit le sérieux. Il rapporte de source sûre l'histoire d'un hidalgo frisant la cinquantaine qui, s'étant desséché le cerveau à force de lire des romans de chevalerie, décide de se faire chevalier errant et de gagner par ses hauts faits une éternelle renommée, tant pour lui-même que pour la dame de ses pensées, Dulcinée du Toboso, à laquelle, sans l'avoir jamais vue, il se voue corps et âme.

3. Dans un monde où la chevalerie n'a plus sa place, don Quichotte ne peut que courir d'espoir en ridicule, de chimère en défaite et d'extravagance en disgrâce. Sa première sortie, très vite, tourne court : après avoir pris soin de se faire armer chevalier par un aubergiste que son délire élève à la dignité de châtelain, le héros tombe de cheval en attaquant d'inoffensifs marchands et revient tout disloqué à son point de départ, ramassé par un paysan de son village qui le trouve sur sa route en rentrant du moulin avec son âne. Cette première tentative n'est qu'un prélude à l'histoire de sa deuxième sortie, qui, riche en multiples rebondissements, occupe tout le reste du premier tome de L'Ingénieux Hidalgo don Quichotte de la Manche (1605). Déjouant la surveillance de ses proches ligués pour le guérir de sa folie (sa gouvernante, sa nièce, le barbier et le curé), la fine fleur de la chevalerie reprend donc la route, flanquée cette fois de l'inénarrable Sancho Panza, son voisin paysan, séduit à l'idée que les éclatants succès de son seigneur lui vaudront, à lui son fidèle écuyer, une île à gouverner. Cette deuxième expédition ne se termine pas plus glorieusement que la première : encagé, berné par les machinations du curé et du barbier partis à sa recherche, don Quichotte regagne son village « maigre, jaune, exténué, étendu sur un tas de foin, dans une charrette à boeufs » (I, LII, 498). En fin de volume, il est brièvement question d'une troisième sortie, dont la tradition locale rapporte qu'elle a mené le chevalier à Saragosse participer à un célèbre tournoi où il n'a pas manqué de s'illustrer. Au reste, son historien ne sait rien de la manière dont s'est terminée sa vie. Il n'a trouvé que quelques bribes de parchemins parmi lesquelles deux versions de son épitaphe.

4. Le second tome, dû au succès du premier, paraît en 1615, un an après la publication d'une « seconde partie » apocryphe de moindre facture (le Quichotte d'Avellaneda), que Cervantès ne manque pas de railler et de faire mentir au passage. Cette suite, entièrement consacrée à la troisième sortie du chevalier de la Triste Figure, joue avec la célébrité que le personnage a gagnée du récit de ses premiers exploits et le met aux prises avec l'espièglerie de certains de ses lecteurs. Parmi eux, un duc et une duchesse, que leur richesse, leur rang et leur oisiveté engagent à organiser de divertissantes mises en scène dans lesquelles leur chevaleresque invité n'est que trop disposé à jouer -- aveuglément -- son rôle. Après maintes aventures, au cours desquelles Sancho exercera trois jours durant le dur métier de gouverneur, le périple s'achève sur une déconfiture, cette fois sans appel. Un de ses ironiques admirateurs, un jeune bachelier agissant de mèche avec le curé, se déguise en chevalier de la Blanche-Lune et défie le héros en combat singulier. Culbuté et terrassé au premier choc, don Quichotte doit se rendre aux conditions qu'il a acceptées avant le combat : rentrer chez lui et renoncer pour un an à toute errance chevaleresque. Mortifié, le héros caresse l'idée de se convertir en berger, mais la tristesse ne tarde pas à le mettre au lit et à l'emporter dans la tombe. Avant de mourir, toutefois, l'homme retrouve toute sa lucidité et, avec elle, sa véritable identité, Alonzo Quijano. Du coup, avec la même vigueur qu'il a mise à les aimer, il répudie la chevalerie errante et tous ses exploits : « Je reconnais ma sottise, et le péril où m'a jeté leur lecture ; enfin, par la miséricorde de Dieu, achetant l'expérience à mes dépens, je les déteste et les abhorre. » (II, LXXIV, 500) Ultime précaution, le curé, bras séculier de la vérité, fait dresser par notaire, sitôt après la mort du repenti, une attestation de sa conversion. Que les faussaires et autres imitateurs se le tiennent pour dit : personne ne pourra plus désormais le ressusciter ni lui attribuer de nouvelles prouesses [... ]

Texte extrêmement long à retrouver en suivant ce lien:

https://books.openedition.org/pum/14263?lang=fr

paradoxle 23 mai 2021 à 21:02  •   61079

Don Quichotte a éte mon livre de chevet de mes 15 à 17 ans. Par petite touche car j'aimé le faire durer.
Merci pour cette chouette analyse.

MAReadle 23 mai 2021 à 21:23  •   61084

Oui j'adore ce livre @paradox !


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